Le passage du Gois relie l'île de Noirmoutier au continent à chaque marée basse, faisant de l'ile une presqu'ile, deux fois par jours pendant 4 heures. Le reste du temps, ce tronçon de 4,2 km de route est sous l'eau, jusqu'à 3m sous l'eau... les bateaux passent au-dessus. C'est un site pratiquement unique au monde.
Au 16ème siècle, ce n'était qu'un passage aventureux, sans tracé précis, pour les bêtes et les hommes à pied suffisamment déterminés: il fallait un guide pour passer. Son itinéraire définitif s'est fixé au début du 19ème siècle, marqué des premières balises et progressivement empierré. Il devient "voie publique" vers 1840, et est macadamisé pour la première fois en 1924. Aujourd'hui, il est répertorié par les GPS comme une route normale, la D948, mais gare à ceux qui prennent rendez vous de l'autre coté sans avoir vérifié l'horaire de marée !
Malgré la construction d'un pont à l'extrémité Sud de l'Ile, en 1971, le passage n'est pas tombé en désuétude et continue à faire partie de la vie quotidienne de nombreux habitants de la région, qui vivent ainsi, pour leurs déplacements entre l'ile et le continent, au rythme des marées, spéculent quotidiennement sur l'heure à laquelle ils pourront passer, au moment du retrait de la mer, et l'heure à laquelle ils ne pourront plus s'engager sur la voie en voiture, au risque de noyer le moteur ou être poussé par le flot hors de la voie, et devoir abandonner le véhicule pour se réfugier quelques heures au sommet de la balise la plus proche.
Notre chantier de réparation étant scindé en deux ateliers, la chaudronnerie sur le continent et la menuiserie sur l'île, notre brave Skol a déjà franchi plusieurs fois le passage, derrière un tracteur, et nous avons nous-mêmes intégré cette contrainte dans notre quotidien de bricolage, quittant le ponçage après un coup d'oeil sur la montre, pour revenir 2h plus tard les mains tachées de zinc silicaté. Entre-temps, à l'aller comme au retour, nous traversons une bulle de lumière et de luisance, gris bleuté ou gris doré, selon l'heure et l'humidité atmosphérique, reposons nos yeux sur l'eau turquoise ou vaseuse, à un mètre de la chaussée, coté sud, poussons le regard aussi loin que la brume l'autorise, coté nord, sans voir le bout des bancs de sable, comptons les tracteurs à l'ouvrage sur les parcs à huitres, au loin, et savourons le spectacle des nombreux oiseaux amateurs de coquillages. Instants de bonheur.