Tout l'été, on s'est demandé d'où viennent ces centaines d'éoliennes qui festonnent les hauteurs galiciennes, face à la mer.
Pensez donc, 16 000 Mégawatt installés en Espagne, à comparer à nos petits 3 000 en France !
Au détour du Cap Villain, dans le mystère et la brume, nous découvrons quelques grandes encadrant une ribambelle de petites: serais-ce donc là quelles naissent ?
C’est là que se termine vraiment la route des cheminants de Compostelle. Au bout de la péninsule, au pied du Faro de Fisterra (phare de Finisterre, en Galicien), face à l’océan.
Dans un creux de rocher, ou une cavité du sol pavé, des traces de foyer témoignent du dernier geste de ceux qui sont allés au bout de la tradition, et y ont brûlé leurs habits, leurs chaussures, ou des objets symboliques.
Dans un foyer encore actif, Isabelle dépose quelques mèches de ses cheveux rasés l’an dernier. Moment d’émotion.
Demain, le reste des mèches sera éparpillé au vent, depuis le bateau, lorsque nous passerons le cap, sous les yeux d’autres cheminants. Un cran au-delà du bout de chemin, parce que la voile nous donne cette liberté.
« La godille est sans doute un art et sa maîtrise une des plus belles conquêtes de l’apprenti marin » ….. la version actuelle du Cours des Glénans contient encore quelques beaux traits d’humour de Philippe Harlé. Le texte d’origine sur la godille était une envolée désopilante. Encore un extrait …. « la face supérieure de l’aviron ne repousse pas franchement l’eau, elle l’écarte insidieusement tout en y prenant appui. Le phénomène doit pouvoir être décrit scientifiquement, disons simplement qu’on s’efforce d’utiliser au mieux les ressources ambiguës de la voie oblique ».
Ariel a choisi le jour de son anniversaire pour son premier entraînement de godille, et la raideur initiale de son geste s’estompe rapidement. Il met en mouvement la lourde coque de Skol d’un simple mouvement en forme de huit. Utile en cas de panne de moteur, par petit temps et sur de petites distances. Joie de la tradition, aussi.
Aujourd’hui déjeuner sobre en surveillant le sondeur, car il est prévu d’aller prendre le café à Noïa.
Ca fait 3 jours que nous surveillons le sondeur, alors que le bateau est attaché à une bouée fixe, squattée en face du chantier naval de Freixo. On surveille le sondeur, on prend des notes et on fait des calculs savants. Car la marée ne colle pas avec les tables que nous avons obtenues à Portosin, pourtant distant de seulement 2 miles. Une heure et demie à deux heures de décalage, ça fait beaucoup, surtout quand on sait que l’exercice du café à Noïa sera pointu.
Noïa est un vieux port du XVème siècle, qui s’est, depuis, passablement envasé. On y accède par un chenal sinueux creusé par la rivière, et la dernière ligne droite est marquée par les restes de deux digues de calibrage de plus d’un mile de long. Entre Freixo et Noïa, il y a un passage de bancs de sable jusqu’à Punta Testal, où nous pourrions laisser Skol 2 ou 3 heures, et ce long résidu de chenal que Skol ne pourra emprunter, mais que nous comptons parcourir en annexe.
Notre sondeur indique 5m de profondeur, c’est le niveau d’eau que nous avons estimé nécessaire pour passer les bancs de sable qui nous séparent de Puta Testal. Selon nos calculs, il doit y avoir 1,50 au dessus de chaque grain de sable entre nous et cette zone. Or, dérive relevée, nous calons 1,10m . Ca laisse une petite marge. Petite, mais la marée monte.
Nous partons de Freixo avec la dérive légèrement baissée, en guise d’avertisseur. Si on touche un banc de sable, il sera possible de finir de la relever pour nous en dégager. Théoriquement.
Quelques minutes plus tard, alors qu'Ariel est à l'avant à scruter la profondeur d'eau par transparence, je claironne les profondeurs annoncées par le sondeur. 5m, 4m, 3m, ça semble se stabiliser vers 2,70m , puis ça ré-augmente temporairement, le temps de souffler un peu, et nous abordons le dernier banc de sable. Zone d'eau claire: 2,50m, 2m, ma voix se tend un peu alors que j'égrène tous les dix centimètres de réduction de la profondeur ... jusqu'à 1,40m, profondeur à partir de laquelle je me tais, sidérée de voir que ça monte toujours, me demandant quand on va toucher, espérant que ça replonge vite pour que je puisse de nouveau annoncer la vérité à Ariel, qui, lui, cherche désespérément un indice dans la couleur de l'eau, pour m'indiquer s'il faut aller plutôt à droite ou plutôt à gauche. A 1,10m, je craque et je lui annonce, en imaginant comment son sang se fige. Normalement nous devrions avoir touché le fond. Mais il y a un "pied de pilote", dans notre sondeur, ha, oui ! En tout cas, on ne doit vraiment pas être loin. Mais on avance toujours, dit le GPS, et à belle allure, eus égards au courant et au vent qui nous poussent tous les deux vers le fond le la Ria, qu'on le veuille ou non. Bref, de longues minutes tendues nous font parcourir le banc à 1,10m théorique (sans doute 1,40m puisque notre pied de pilote est d'aproximativement 30cm).
Arrivés à Testal, de nouveau dans plus de 3m de fond, nous attrapons un corps-mort de pécheurs. Rassurés de nous voir confirmé que nous pouvons y rester une paire d’heures, nous avons quelques minutes devant nous seulement pour décider de passer à l’étape suivante, avec l’annexe. Mais…. Et si le vent monte pendant qu’on le prend, ce café ? Et si le moteur de l’annexe nous lâchait, comme il y a deux jours ? et si ? et si ?
Finalement, on y va pour une petite demi-heure de zodiac, avec un cormoran perché au sommet de chaque pylône du chenal, comme les vautours dans les westerns, coassant : « étranger, ici tu n’es pas le bienvenu ».
Le café fut savoureux, et pris au cœur du dédale de ruelles de la vielle ville, face à une église romane dont le portique sculpté représentait …. un orchestre. Le retour fut nettement moins tendu, avec plus d’eau sur les bancs et moins d’inconnues à découvrir.
Pensées émues pour Roberto et Hector, qui riaient de me voir verdir à 1,70m de sondeur dans le Rio Minho !
Wouahou …. On y croit à peine, depuis le temps qu’on cherche, en France et ici en Galice. Donc, finalement, c’est dans un chantier de réparation de navires en bois, au fond de la Ria de Muros, qu’on a trouvé, enfin, la réponse à la question « où peut-on trouver un aviron de très grande taille ? »
En France, on n’avait pas trouvé mieux que 3m50, et encore, un aviron d’occasion et plus cher.
Ici, des types à la gueule burinée ont compris notre recherche, ils avaient en stock le bois imputrescible nécessaire, et aussi les machines et le savoir-faire. Et envie de nous faire plaisir.
Le lendemain, ravis, fiers, émus, nous portons le long de la route, puis chargeons sur le petit zodiac cette loooooongue rame de 3m75, fabriquée spécialement pour Skol.
Nous souhaitions approcher, si le temps le permettait, la lagune et le système de dunes de sable intéressant du coin. Le temps l'a permis.Il y avait, en prime, un petit port de pèche comme on les aime. Plaisir de demander en espagnol la permission d’utiliser un corps-mort pour une nuit ou deux, activité locale de pèche, jeux des jeunes aux avirons... Et une voile traditionnelle.
Ca semblait un vrai jackpot... mais c'était le jour de la fête de la jeunesse. La boite de nuit ouverte sur le port à la nuit tombée a tonitrué jusqu’au petit jour. Moi ça ne me gène pas, mais Ariel, l'entendant, n'a pas dormi.
Les instructions nautiques annoncent « ne manquez en aucun cas la visite de Combarro. Ce vieux village de pécheurs restauré … » .
L’ennui c’est que les instructions terrestres en parlent aussi ... des collections de bus déversent du touriste en continu, lequel touriste est attendu dans le village sur le parcours quasi fléché du vieux Combarro, jalonné d’échoppes racolleuses. Il a fallu beaucoup de patience pour prendre la photo !
Et au lieu du petit mouillage typique espéré, nous trouvons une marina flambant neuf.
Un bon point : les douches sont exceptionnelles … bien que pas mixtes, officiellement.
La pèche de loisir est interdite aux abords des iles Cies, Ons, ect... , classées réserves naturelles. Il faut d’ailleurs un permis administratif pour s’en approcher à la voile. Et tout de même, ce matin, une nuée de petites embarcations s’est assemblée en rangs serrés au dessus des filons de coquillages. La récolte, par plus de 10 ou 15 mètres de fond, se fait au moyen de dragues accrochées à des perches interminables. Joli mouvement parallèle des pêcheurs grattant le fond à l’aveugle…. ou presque.
Rituel Galicien de célébration des liens amicaux
Ingredients :
- une quadrilla (bande de potes)
- un litre d’Aguardiente (le schnaps local, à base de raisin)
- sucre, zeste de citron, grains de café
Equipement :
- vasque et louche en céramique haute température
- balcon, terrasse, ou autre espace autorisant la montée des flammes et la projection de gouttes en feu (donc pas à bord de Skol, on a fait ça chez Hector et Paula)
Protocole:
- entre 2 et 4h du matin, après un repas copieux et moultes libations préparatoires
- le maître de cérémonie mélange les ingrédients, enflamme la vasque et entretient la flamme pendant que, d’une voix caverneuse, est déclamée une longue incantation loufoque adressée aux forces obscures. Il s’agit de demander la protection pour la quadrilla ici présente.
Des centaines de tambours, qui tambourinent jour et nuit pendant une semaine.
Ils s’entraînent pour le défilé du samedi, qui est aussi l’occasion de sortir les costumes traditionnels Galiciens et Nord Portugais (la frontière est au milieu du Rio Minho).
Dimanche, la moitié de la ville doublée ou triplée des visiteurs, escaladera le Monte Santa Tecla a jeun et redescendra sérieusement éméchée.
342 m de grimpette, ça déshydrate, et les vins de Galice sont bons.
Pour rendre à nos pilotes et leurs épouses un brin des attentions* qu’ils ont pour nous, invitation à diner à bord. Grande tablée.
Ce soir, nous leur proposons une journée de « haute mer », de la sortie du Rio jusqu’au port de Baiona. Les trois hommes acceptent, même Roberto qui est malade à la moindre vague. Les 3 femmes déclinent.
* Ils sont jour après jour soucieux de proposer activités nautiques et services logistiques à tel point que nous devons gentiment résister pour protéger un mi-temps d’amoureux.
La carte à grande échelle de l’embouchure du Rio Minho indique « zona em evoluçao » sur les bancs de sable.
Les instructions nautiques recommandent le recours à une « pratique locale » pour y entrer. En effet, seuls les gens du coin savent où se trouvent cette année les bancs de sable et le chenal.
En préparation, cet hiver, Ariel a trouvé sur le net la page web d’un petit club de kayak local et les a contactés.
Hector et Roberto nous attendaient à La Guardia, et embarquent sur Skol pour nous piloter dans le passage difficile. Leur chemin s’avère différent de celui des livres, tant mieux : Skol n’a pas touché le sable alors qu’un autre voilier, entré le même jour sans pilote, s’est échoué et a du attendre que la marée encore montante le dégage pour finir sa route.
Ariel aime les visages qui racontent des histoires locales. L’an dernier, il a fait un album de « Gueules d’Açores » et cette année, il récidive. Voici une brochette particulièrement copieuse. Les dames ont donné leur accord.
Retrouvez ces dames et d'autres portraits dans l'album "Gueules de Galice" ci-contre.
Petit port de pèche où Skol trouve place en se faisant discret.
Mais arrivée impressionnante, entre deux môles fort rapprochés et sur lesquels la grande houle de l’atlantique brise directement.
