Pendant cette longue année de chantier, les visites aux shipchandlers ont été nombreuses et déplaisantes, frustrantes: on ne trouvait pas le petit machin indispensable mais on se retrouvait au milieu de gadgets électroniques et plastiques couteux et pas vraiment utiles ...
En revanche, l'unique visite que nous avons fait à la corderie a été pur bonheur, une demi-journée de calme et de plaisir dans une semaine de chantier très chargée. On savait ce qu'on voulait, en diamètres, longueurs et type de cordage, mais la couleur était importante à nos yeux. Autant prendre des couleurs qui nous seront agréables à voir et à manier, et autant prévoir des couleurs bien différenciées, pour mémoriser plus automatiquement les manoeuvres pour le gros temps, pour ne pas nous tromper la nuit, ou pour le confort sous la pluie, quand la capuche du ciré masque un peu la vue et qu'on voudrait ne pas hésiter. Il faut dire que nos bosses de ris et nos drisses actuelles sont toutes blanches, avec juste un petit filet de couleur un peu passé pour les distinguer.
La déambulation dans cette corderie, à contempler le fouilli semi-ordonné des bobines, tantôt violemment colorées et disparates en taille, tantôt répétitivement uniformes en taille et en couleur, était un régal pour les yeux! Deux secteurs étaient réservés au chanvre, le cordage des bateaux anciens en rénovation, sentant bon le cheval, la tradition, caresses pensives sur cette matière très sensuelle. Une collection de poulies anciennes accrochées au plafond. Quelques unes de ces images sont dans la galerie photo "Corderie".
Plaisir de choisir "nos" drisses, avec quelques hésitations sur le rouge, est-il assez sombre pour s'accorder à la couleur du safran ? Joie de voir défiler "nos" longueurs, coupées, lovées, puis remises entre nos mains, promesse de prochaines manoeuvres, après une année de privation. Voir grandir le tas sur la table, de belles couleurs, de belles matières, et la garantie de sérieux d'une corderie qui a déjà vu partir plusieurs clients en patagonie.