Notre enquête sur la disparition des voiles de pirogues au Sénégal piétine. Certes, il y a bien eu quelques explications, évidentes à chaque fois aux yeux de leur énonciateur mais peu convaincante à nos propres yeux.
Un pêcheur de Hann affirmait qu’ « avec deux moteurs, on ne peut pas tomber en panne » et cette réponse avait quelque chose d’une croyance magique.
Un pêcheur de Djifere, lui, insiste sur le temps de trajet : « avec le moteur tu mets cinq heures, avec la voile, tu ne sais jamais ». La durée du trajet est donc si importante que cela, dans ce pays de la nonchalance et du Yakamti Wouma ? En effet, sous ces climats chauds, la conservation du poisson sorti de l’eau est tributaire de la quantité de glace embarquée au départ. Et la conservation dictera le prix de vente, voire même la possibilité d’une vente.
Un autre avis, émis par le contrôleur des pêches local est plus critique de l’état d’esprit des pêcheurs « mais c’est la solution de facilité pour eux ! ». Facilité toute relative, quand on songe aux heures de maintenance que nécessite un moteur et aux soucis d’approvisionnement en carburant, qui font parfois perdre plusieurs jours de pêche alors que le vent permettrait de sortir en mer.
Personne ne semble avoir conservé suffisamment de connaissances en voile pour nous rappeler que ces voiles aux formes anciennes et aux toiles distendues ne permettent pas de bien remonter dans le vent. Personne n’évoque non plus les courants de marée importants qu’on rencontre ici comme motif valable pour chercher à s’affranchir des contraintes et des lenteurs du vent. Et c’est bien cette réalité que nous avons rencontrée il y a quelques jours : un retour d’une tournée dans les bolons à la mauvaise heure, contre le vent et contre la marée, et nous voilà tentés nous aussi de garder le moteur pour soutenir les voiles! C’était la solution de facilité, à laquelle nous avons cédé au nom d’une arrivée avant la nuit. Une autre fois nous calculerons mieux notre horaire de déplacement sur le fleuve…
Il semble donc ne rester, dans tout le Delta du Saloum, qu’une poignée de petites pirogues utilisant la voile en complément de la pagaie et une seule grande qui utilise la voile en complément du moteur. Celle-ci glisse majestueusement devant notre mouillage de Djifere à plusieurs reprises mais ne s’y arrête jamais. Nous nous contentons donc d’admirer pendant quelques minutes l’activité de l’équipage qui déploie la voile une fois le virage du fleuve passé et les amples mouvements de l’immense toile rapiécée qui se gonfle pour entraîner la lourde pirogue vers le sud. Magnifique.
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