Miguel, le patron du remorqueur Yamana, nous a pris en amitié et il se fait un peu de soucis pour nous après nos déboires de l'arrivée, surtout depuis qu'un nouveau gros coup de vent de secteur sud-ouest est annoncé à la météo. Plusieurs même. Il semble qu'ils vont se succéder plus ou moins tous les deux jours pendant la semaine à venir. Ce qui complique la chose, c'est qu'il y aura des souffleries du nord entre les coups de sud. Pire encore, la première bascule de gros temps du nord à gros temps du sud va avoir lieu en pleine nuit et se fera en quelques heures. Difficile de repositionner le bateau dans l'intervalle (1). C'est pour ça que Puerto Deseado a si mauvaise réputation en tant qu'abri pour les voiliers.
Mais Miguel nous livre son secret, qu'aucun des ouvrages nautiques que nous avons étudiés ne mentionne : un minuscule passage à deux milles de là, un étroit canal entre l'ile Elena et la rive sud du Rio Deseado dans lequel il reste juste assez d'eau à marée basse pour qu'un bateau modeste y flotte encore et qui serait abrité des vents du nord et des vents du sud.
Skol, Beduin et Abraxas s'y calent confortablement, dans un invraisemblable arrangement de chaines et de cordages. C'est une grande première pour nous, le premier amarrage en quatre points à la côte, avec lequel il faut nous familiariser. Je découvre les difficultés de la marche arrière en espace restreint et Ariel assume la recherche des points d'accrochage à terre, dans une roche traitresse qui se détache par blocs. Les rares arbustes qui survivent dans ce quasi désert ne pourraient supporter l'effort. Nous apprenons beaucoup de nos deux compagnons, qui ont une grande expérience de ces manœuvres. Dans la configuration finale, les trois bateaux sont rivés aux fonds par trois ancres tête-bêche, amarrés aux roches des rives par cinq amarres de cinquante à quatre-vingt mètres et attachés entre eux à un mètre l'un de l'autre. Un pack souple et résistant, qui encaissera plus d'une paire de soufflantes bien musclées, au cours de la semaine que nous y avons passé.
Une semaine étrange, contemplative et laborieuse (2), tantôt éblouis par les couleurs et la vie animale toute proche, tantôt assommés par trop d'heures de hurlement du vent, selon les jours et même les heures. Le temps change si vite par ici! Après le premier coup de nord-sud, Skol doit se détacher du pack pour honorer son rendez-vous avec le soudeur, de l'autre côté du Rio Deseado, au flanc du fidèle Yamana. Il reviendra le soir même, portant fièrement ses chandeliers dressés de nouveau vers le ciel. Quelques jours plus tard, c'est au tour de Beduin de quitter la caleta Miguel (3) pour quelques heures, le temps de faire des courses en ville et de ramener des nouvelles du monde. A son retour, la caleta secrète résonnera toute la nuit des chansons de Bowie.
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L'orientation Est-Ouest du Rio Deseado oblige à choisir : on positionne son bateau soit près de la rive nord, soit près de la rive sud. Les instructions nautiques pour voiliers recommandent de changer de côté lorsque le vent tourne, ce qui n'est pas toujours facile.
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L'activité de bricolage bat son plein, les outils et les matériaux changent de bord au gré des besoins. Les trois voiliers retrouvent petit à petit leur état « prêt à naviguer », avec même de petites améliorations ici ou là.
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Miguel éclatera de rire à chaque fois qu'il nous entendra désigner ainsi son coin secret. Nous rêvons que cette « caleta » finisse dans les livres de navigation avec ce nom-là. Après tout, il y a bien une « Laguna de Bruce » à Bahia San Blas !
hey amigo: tienes que estirar las piernas. Mira la chica: que elegancia...
Rédigé par : karel | 29 janvier 2016 à 19:44
Bravo! Un plan ! Un plan !
Rédigé par : voilier Loïck | 30 janvier 2016 à 13:43
@ Karel : tu es invité à venir nous donner un cours de Tai-Chi niveau “avancé” bientôt à Chiloé !
@ Hugues : Ca peut se faire . Crois-tu que ça intéresserait V&V ?
Rédigé par : Isabelle | 05 février 2016 à 20:34