Le temps est la denrée la plus précieuse de notre stock. Au contraire des citadins qui courent après des miettes d'heures pour accomplir toutes les tâches et obligations de la journée et qui attendent la fin de semaine ou les vacances pour y insérer aux forceps tout ce qu'ils n'ont pu s'accorder pendant la semaine ou l'année, nous disposons plus librement de notre temps. Je suis heureuse que nous ayons lâché prise pour le Cap Horn avant que ce temps, justement, ne nous soit compté par la saison ou par les vivres.
Je suis ravie parce que nous pouvons réaliser un autre des rêves de mon homme : séjourner au pied d'un glacier autant que nous en avons envie. Je loue souvent la sagesse d'Ariel qui nous conduit à faire des choix heureux et en particulier lorsqu'il rejette d'un revers de main la quantité en lui préférant la qualité. Ici, face au glacier majestueux qui nous surplombe, auquel nous ne pouvons échapper chaque fois que nous jetons un œil par les hublots, c'est-à-dire au lever quand nous ouvrons les rideaux – ouahhhhh... - ou en faisant la vaisselle – hoooooo - ou lorsque nous sortons pour une promenade ou une cueillette – « comme c'est beau! » - je ne taris pas d'éloges pour celui qui a su proposer qu'au lieu d'écumer les vallées glaciaires du Canal Beagle une par une nous en choisissions une seule, une unique, pour y rester jusqu'à plus soif. Quelle bonne idée ! Alors, bien que nous n'ayons pas vu les autres, il est évident que celui que nous avons choisi est le plus beau, n'est-ce pas ?
Bien souvent, ce que les voyageurs en Patagonie gardent en mémoire comme leur plus beau souvenir se résume, c'est compréhensible, à l'endroit, la zone, le canal, le glacier, peu importe … où la météo a été la plus coopérante, où le ciel a été le plus clair, la lumière la plus éclatante. Et nous-mêmes n'échappons pas à cette forme de sélection de la beauté. Jamais nous n'oublierons combien le seigneur Pio XI s'est montré à nous par temps calme et sous un ciel sans nuages, ce qui lui a conféré, au-delà de ses dimensions colossales, une beauté particulièrement grandiose, une majesté capable - potentiellement - de faire de l'ombre à tous nos face-à-face ultérieurs avec ces fleuves de glace. Chacune de nos rencontres avec les langues gelées qui descendent jusqu'à la mer, les glaciers maritimes, a néanmoins été unique et nous a procuré un plaisir particulier, quel que soit le temps. Nous avons été très attentifs à ne pas banaliser ces moments exceptionnels.
Cependant, Romanche méritera une place particulière dans notre panthéon des ventisqueros. Il y a de multiples raisons à cela. Outre le fait que la journée de navigation qui nous a permis d'y arriver a été pour une fois modérée en stress et que les éclairagistes ont été particulièrement ponctuels et pertinents, c'est un des rares glaciers maritimes qu'il est possible de contempler nuit et jour, grâce à un abri de qualité « tout temps » admirablement disposé. Nous étions installés juste en face de lui, assez loin pour ne pas nous sentir menacé par les craquements et chûtes de glace, assez près pour vivre dans sa présence à tout moment. La lune ne gâche rien au spectacle.
Soudain j'ai aperçu Skol sur la première photo et là je me suis senti tout petit.
Rédigé par : michel fromm | 11 mai 2018 à 13:38
C est vrai la dimension du paysage est spectaculaire quelle vie passionnante !!!
Rédigé par : Pascal | 12 mai 2018 à 19:23
Je vous ai enfin localisé quel périple et quelle audace de passer dans ces méandres de bras maritime ,bravo bon voyage
Rédigé par : Pascal | 12 mai 2018 à 19:59
@ Mitch : il y a un autre bateau dans l'image, plus près de la glace, beaucoup plus gros que Skol et toujours aussi petit face au glacier.
@ Pascal: une vie passionnante et très dure , ne pas l'oublier!
Rédigé par : isabelle | 20 mai 2018 à 22:34