Les couleurs de façade semblent obéir à un nuancier unique qui comporte peu de variantes, mais donne à l’ensemble un air gai même par temps couvert. On trouve le blanc, largement répandu, parfois légèrement cassé en gris clair. On trouve le jaune, un jaune moutarde, chaud et riche que j’aime beaucoup, rarement éclairci jusqu’au poussin et occasionnellement chargé jusqu’à l’ocre. Le jaune est la couleur de façade qui répond le plus activement aux lumières basses du Nord, absorbant et renvoyant cette lumière tout à la fois, c’est peut-être pour cette raison que c’est ma préférée. On trouve un rouge, un seul rouge, sombre et profond, celui des cabanes de pêcheur du Nord, qui est le même dans tout le pays et qui, de fait, donne un air nordique à un rivage du sud du pays dès qu’il revêt ne serais-ce quelques façades donnant sur le fjord. Ce rouge est souvent souligné et mis en valeur par des encadrements de portes et fenêtre blancs. Enfin, on trouve un vert perle, un vert tirant sur le gris perle. Le plus souvent ce vert est utilisé pour l’encadrement des portes et fenêtres des maisons blanches ou jaunes, mais parfois on le trouve en façade et alors il met une touche de sérieux dans le voisinage, car il réagit moins à la lumière que les jaunes et blancs et il est moins intense que le rouge.
Le rouge en question, qu'on retrouve largement dans les pays scandinaves, provient à l'origine d'un mélange d'huile et de poudre de roche utilisé autrefois pour protéger le bois tout en le laissant respirer. Les peintures respirantes modernes ne font qu'en reprendre la couleur.
Nous avons vu extrèmement peu de maisons déroger à ce code de couleur et nous nous interrogeons sur cette homogénéïté d'ensemble. Les Norvégiens partagent-ils largement une même idée de l'esthétique d'une maison ? Se conforment-ils à un règlement d'urbanisme écrit, comme nous avons dans certaines régions en france ? Ou bien leur discipline dans ce domaine est-elle un autre aspect du contrôle social que nous sentons omniprésent dans cette société de culture protestante ? Ou encore, y placent-ils un peu de leur identité/fierté nationale, comme ces drapeaux qu'on voit si souvent aux fenêtres ? A moins qu'il ne s'agisse, pour le rouge au moins, d'une préservation délibérée et un brin artificielle du caractère typique des paysages de Lofoten, allant dans le sens des attentes des nombreux visiteurs du Sud du pays et des touristes étrangers attirés par la promesse de "scenic villages". Cette dernière hypothèse me vient d'avoir vu un ouvrier repeindre conscientieusement une cabine rorbu qui visiblement n'en avait pas besoin.
Il s'agit sans doute d'une combinaison de tous ces facteurs, car les réalités sociales sont souvent le produit d'un tissu complexe d'interactions. Voici encore une occasion pour nous de mesurer combien le temps a manqué pour rencontrer les gens du pays, car on ne peut pas explorer de telles questions sans avoir au préalable amorcé une relation, plusieurs relations. A cause des distances à parcourir, nous ne sommes jamais restés plus de 60 heures à la même escale, ce qui n'a permis que des rencontres trop superficielles et fugaces à notre goût. Et nous avions tant de sujets à aborder....
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