· · · – – – · · · Nous avons tous fait connaissance avec le code morse dans notre enfance, ne serais-ce qu’au travers du mythique et universel S-O-S. Nombre d’entre nous savent également à quoi Mort Schuman faisait référence avec son Papa Tango Charlie. Tout l’alphabet est ainsi codifié par des mots, Alpha, Bravo, Charlie, Delta, et on peut se perdre en conjectures sur le choix des mots en question car aucune astuce ne nous permet de donner un sens à la série des 26 mots. Les radio-amateurs, les marins et les aviateurs découvrent tôt ou tard tout le soin qui a du être mis dans le choix de ces mots-là, ces mots que l’opérateur radio peut prononcer a peu près correctement quelle que soit sa langue natale, ces mots courts mais jamais monosyllabiques, qui resteront identifiables, différentiables les uns des autres, même lorsque les ondes sont très parasitées. Chaque lettre de l’alphabet a son mot, pour la transmission voix, et son code morse pour la transmission télégraphique ou par simple signal sonore ou lumineux. R = Romeo = · – ·
Le code international des signaux comporte en outre un quatrième mode de communication, celui des pavillons, utilisable lorsque ni les ondes ni les sons ne fonctionnent et que la lumière du jour n’autorise pas les signaux lumineux. Comme les signaux de fumée des indiens de nos westerns favoris, les signaux par pavillons sont visibles de loin si on a une vue perçante ou une bonne paire de jumelles. Rayures verticales jaunes et bleues pour la lettre G (Golf) . Rond noir sur fond jaune pour le I (India) . Croix diagonale rouge sur fond blanc pour le V (Victor). De la même manière que les mots, les pavillons sont parfaitement distinguables les uns des autres pour minimiser les risques de mauvaise compréhension. Depuis le 18ème siècle, ce code a été maintes fois amélioré pour lever les ambiguïtés.
Dans l’univers maritime, ces signaux sonores, lumineux ou pavillons portent un autre niveau de signification que la lettre de l’alphabet à laquelle ils sont associés : ils portent une phrase entière, une phrase d’usage régulier ou crucial, une phrase pour entrer en contact, annoncer une manœuvre ou signaler un danger.
D = Delta = – · · = Bande bleue horizontale sur fond jaune = ne me gênez pas, je manœuvre avec difficulté.
F = Foxtrott = · · – · = un losange rouge sur fond blanc - signifie : je suis désemparé(e) ; communiquez avec moi. La réponse au signal F pourrait être le signal X, mais ça ne serait pas une proposition de réconfort charnel pour la personne désemparée, car nous sommes ici en langage maritime et non pas terrien, et en langage maritime la lettre X = X-ray = – · · –, Croix bleue sur fond blanc, signifie Arrêtez vos manœuvres et veillez mes signaux. Le navire non désemparé pourrait aussi répondre au navire désemparé par une combinaison rassurante de deux pavillons, signal de deux lettres, toujours dans le code international sans équivoque et sans l’ombre d’un sous entendu comme par exemple Echo Delta - vos signaux de détresse sont compris.
Humour interdit ?
Il est important de se souvenir que le code international est sans équivoque et donc totalement incapable de l’humour ou des sous entendus qui font le sel et les complexités de la communication humaine terrienne. Même si …..parfois on se demande si les inventeurs du code ne l’ont pas un peu fait exprès. Est-ce vraiment un hasard, par exemple, si la lettre W est à la fois associée au mot Whiskey et au message j’ai besoin d’assistance médicale ? Je me souviens du jour ou nous avons été interpellés en Mer du Nord pas un navire de surveillance de station pétrolière. La question qu’ils nous ont posée était strictement routinière et codifiée : what are your intentions ? C’est ce qu’un navire demande à l’autre lorsqu’il ne comprend pas sa route. Cette question appelle un type de réponse routinier et très codifié sous la forme d’un cap et d’une indication de vitesse ou de distance. Il s’agit de donner à l’autre la route précise prévue dans les minutes suivantes. Mais la première fois qu’il a entendu cette question à la VHF, Ariel l’a prise dans son sens terrien, non codifié et a répondu joyeusement sur un ton convivial : we are heading back to France, ce qui était une direction générale valable pour la semaine à venir. Mais ça ne les a pas fait rire du tout, car les opérateurs radio ne sont pas du tout habilités à percevoir les sous entendus ou les doubles sens possibles dans la communication. Leur réponse laconique vous avez une station pétrolière sur votre route était également totalement dépourvue d’humour même si la station en question avec ses dix étages enluminés et sa torchère dressé vers le ciel se voyait comme un éléphant dans une ruelle. La communication sans équivoque, c’est efficace. Ca ne devient drôle que quand on raconte par la suite l’enchaînement des propos.
Par ailleurs, il n’est pas permis de prendre les pavillons comme éléments de décoration extérieure, sauf les jours de fête. Alors on déploie le « grand pavois », ribambelle de pavillons attachés les uns aux autres et tendus comme une guirlande dans la mâture. Mais les jours ordinaires, même si vous trouvez que le rouge et blanc du pavillon U fait joliment rappel de la ligne rouge que vous avez tracée sur cotre coque blanche, vous ne pouvez pas l’arborer en toute innocence, car la lettre U (Uniform) signifie : vous courez vers un danger. Vous risqueriez donc de faire stopper ou changer de direction tous les navires que vous croiseriez en route. Sans rire. Cela dit, à terre, je verrai bien l’homme de mon cœur arborer un tee-shirt portant les deux pavillons F (Foxtrott) et O (Oscar), car, bien qu’ils signifient chacun une chose angoissante (F = je suis désemparé et O = un homme à la mer), lorsqu’ils sont associés en paire, le F installé au dessus du O, ils disent quelque chose d’infiniment plus doux FO = je vais rester près de vous. Presque aussi bien que notre pavillon de propriétaire avec son ovule et son petit spermatozoïde dont la queue se tortille dans le vent ! Nous aussi, parfois, on pratique la communication sans équivoque…
Copyright : Le "Jolly Roger" du pirate Hector Barbossa créé par Mike Petrucci (DeviantArt)
Note : le Jolly Roger est le seul pavillon qui ne nécessite pas de code international pour que les intentions de celui qui l'arbore soient comprises. (A l'abordage!)
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