Depuis que j’ai pénétré dans les limbes, je suis plus attentive au comportement de mon intestin, croyant y lire les manifestations d’une tranquillité ou d’une intranquillité de mon tube digestif, qui serait liée à l’absence ou la présence d’une maladie, alors qu’il s’agit peut-être juste de la tranquillité ou de l’intranquillité de mon esprit. La confiance ou la trouille, quoi.
Une part de moi fouille les souvenirs à la recherche de ma dernière constipation. Ça remonte à loin, alors que j’ai souvenir d’avoir été, pendant des décennies, depuis ma jeunesse, même, sujette à ce ralentissement du transit à l’échelle chronique. Au point d’avoir toujours un jus de pruneau ou un biscuit particulièrement riche en fibres dans mes placards. J’attribuais, je crois, la fluidification de mon transit à ma pratique du jeûne. Je pense-pensais/crois-croyais qu’à chacun des repos digestifs que j’offre à mon système j’aide-j’aidais mes parois à se reconstruire, à se guérir.
Il serait particulièrement ironique que la maladie arrive par là même où j’espérais la prévenir. Car en effet, ma motivation principale pour jeûner plusieurs semaines par an depuis bientôt douze ans, c’est la prévention contre le cancer. Le cancer en général. Le repos digestif est censé déclencher un processus d’auto-nettoyage des cellules douteuses partout dans mon corps. Une étude démographique a montré que les populations qui jeûnent régulièrement ne contractent pas de cancer. En tout cas n’en meurent pas. Mais elle ne précise pas, dans mon souvenir, à combien de décennies remontait la pratique du jeûne dans les population étudiées. Peut-être à la prime jeunesse. Alors que moi j’ai vécu pas loin de cinquante ans sans nettoyage. La sensation que j’ai eue de rajeunir physiquement, de gagner en vitalité et de traverser les saisons sans difficulté a coïncidé avec mon engagement dans la pratique du jeûne mais aussi avec un changement de vie radical, passant de la ville à la mer, du travail chronométré sous stress à la soumission aux lois du cosmos, d’une alimentation souvent chargée et transformée à une alimentation cuisinée, et autres améliorations de mon hygiène de vie.
Corrélation n’étant pas causalité, il se peut que les populations qui jeûne avec assiduité fassent aussi d’autres chose dans leur vie qui contribuent à prévenir le cancer. Par exemple manger mieux ou dormir plus que les populations sujettes aux cancers.
Du coup je ne sais plus. Ai-je bien fait de jeûner ?
Je me prépare à mettre une fois de plus mon système au repos, en août, avant mon rendez vous avec la gastro-entérologue qui me parlera de mon avenir.
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