Le blé a été ravagé par les oiseaux. Ils ont raflé la mise, en vingt quatre heures, entre le soir où nous avons récolté les épis des tiges restées debout sous la tempête de mai, et le lendemain soir, quand je suis revenue de la fête de la faux avec deux petites faucilles crantées, impatiente de récolter les tiges couchées. Il n’y avait plus rien , ou presque, sur ces tiges-là. Plus de la moitié étaient sectionnées comme si les oiseaux avaient imité notre geste de récolte en tête. Le reste, je l’ai constaté en liant les gerbes, était si déplumé qu’il ne pesait plus rien. Je sais combien pèse une gerbe bien chargée, je ne me fais pas d’illusion sur celles-ci. Je ne suis pas certaine qu’il sera intéressant de les battre.
La détresse soudaine que j’ai ressentie en constatant les dégâts me renvoie à mon incertitude fondamentale sur l’importance de mes cultures. Je ne suis pas aussi détachée de l’avenir qu’il me semblait encore hier. Ou bien je me sens malgré tout solidaire du réseau qui m’a procuré ce blé-là pour l’acclimatation et la multiplication. Je sais que les autres testeurs français ont eu des échecs avec leurs semis, mais au fond c’est pas grave. La population d’origine existe toujours, amplement cultivée en Italie.
Alors quoi ?
Jusqu’au bout j’aimerai partager les joies et les peines de ma petite agriculture et j’étais là au bord de la parcelle, et il commençait à pleuvoir, et j’aurais aimé, à ce moment-là, ne pas être seule.
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