En revenant de mes 3 semaines d’absence c’est devenu flagrant. Il faisait grand beau mais je n’avais pas envie de sortir. Cette foutue limite-dépression me talonne depuis la réélection de Trump. Voire depuis la névralgie. Voire plus tôt encore. Envie de pleurer le matin à l’écoute des nouvelles du monde qui marche sur la tête. Vinciane Despres, récente invitée de La Terre au Carré, parlait du sentiment d’impuissance qui touche tout le monde, et de la nécessité de la joie. J’ai du mal à cultiver la joie ces temps-ci. Ma joie réelle du stage de pépiniériste auquel j’ai participé fin novembre a duré quelques jours, vite balayée par une situation dans laquelle j’ai ressenti les abus auxquels conduit notre société, ma trop grande sensibilité à ces abus, mon impuissance à me calmer moi-même. Le contentement d’avoir été aux cotés de ma fille dans son aventure d’achat d’appartement est plus durable, mais me donne comme l’idée que maintenant que c’est fait, mon utilité s’est amoindrie. Mon univers me semble parfois terriblement étroit, fermé, sans aventure, sans intensité, sans générosité (de ma part), pesant. Pas envie d’aller au jardin, même par ce grand soleil. Il y a beaucoup à faire, sûrement, comme toujours, mais rien d’urgent en cette saison.
L’amorce d’échange par répondeur avec Mathieu Vidard, qui m’a remerciée pour ma suggestion de rubrique paysanne quotidienne, continue à me travailler. Si j’essayais, pour voir à quoi ça pourrait ressembler ? Faire chaque jour un zoom sur un petit aspect, en lien avec l’actualité de mes cultures (ou peut-être de celles des autres), en lien avec la météo, en lien avec ma réalité de néo-paysanne. Une sorte de journal écrit, qui pourrait être dit, ou qui pourrait faire support de dialogue. Cette envie de voir a quoi ça ressemblerait m’a lancée à chausser mes bottes et y aller, presque chaque jour. Faire un petit truc, en me demandant s’il y aurait un intérêt à partager ça. J’ai collecté plus d’un sujet possible pour une rubrique quotidienne.
Tentative de premier message vocal, sur mon blé. Il a été diffusé quelques jours plus tard par l’équipe de l’émission, ce que j’ai interprété comme un encouragement. Un autre message sur les haricots, et encore un sur l’échange de semences. Ces deux derniers sont dans les limbes, mais comme j’écoute toujours l’intégralité des retransmissions de l’émission en podcast, je saurai si un jour ils sont diffusés.
Je me pose plein de questions à propos de cette démarche. Des questions pratico-pratiques sur le format, la qualité du son, l’orientation des sujets. Des questions plus existentielles sur le sens de ma démarche. Je ne pense pas être à la recherche de notoriété, sinon il y a longtemps que je serai sur les réseaux sociaux à tenter d’attirer l’attention. Ca serait bien que quelqu'un se saisisse de l'idée et en fasse quelque chose. Le potentiel et le besoin sont bien plus vastes que ce que je pourrai embrasser moi-même. De mon coté, cette micro-activité agrico-radiophonique semble en lien étroit avec ma quasi-déprime, comme un révélateur ou une issue. Je continue à peser une tonne tous les matins et à tarder à me mettre en mouvement. Le sommeil me fuit le soir, surtout quand j’oublie de prendre le tryptophane. Je voudrais crier, mais je ne sais pas quoi.
Le solstice vient de passer. La récolte des branchages pour le rituel m’a redonné de l’énergie pour quelques heures. C’était beau. Des gens m’ont remerciée. Puis-je dire à la radio que je suis en déprime en tant que néo-paysanne ? Que les défis à relever me semblent insurmontables ? Que le soutien que nous recevons, paysan-e-s, néo-paysan-e-s, jardiniè-r-e, de la part de la société, est si minime, alors que nous ne savons pas comment nous allons continuer à produire de quoi manger pour tout le monde avec les conditions changeantes qui se profilent déjà ? Et si la nourriture vient à manquer, quel genre de régime émergera de nos démocraties malades?
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