Si vous appreniez que votre temps est compté, à quoi aspireriez vous le plus, pour le temps qu’il vous reste à vivre ?
Dans la liste à la Prévert qui s’élabore et s’actualise en ce moment aux confins de ma conscience, il y a ma famille. J’ai eu envie d’aller rendre visite à ma sœur, qui n’habite pas loin, puis à mes jeunes, à une journée de route. Puis les ami-e-s. Pour passer du temps, bavarder, continuer les échanges précédents et aussi, chaque fois que possible, sans brusquer, donner à connaître ma traversée des limbes, des fois que ça change quelque chose, sans obligation. Impression que les langues et les oreilles se libèrent, pas seulement les miennes. Qu’on ouvre un peu plus l’intime et la douceur. Qu’on s’aventure du coté des non-dits. Ou bien c’est mon imagination…
Je me retrouve donc sur la route, à combiner mes mouvements avec la disponibilité de mes visité-e-s, esquivant les rendez-vous trop limités en temps, réarrangeant les options pour assurer la tranquillité des échanges. Car de la tranquillité j’ai besoin, pour trouver le moment et le courage de dire, et la tranquillité je veux offrir, à mes enfants surtout, pour que ce qu’iels auront envie de questionner puisse l’être.
J’ai aussi envie de parler avec le papa de mes enfants. Poursuivre l’échange qui a suivi l’accident de notre fille, et élucider quelques souvenirs un peu flous. Peut-être l’inviter à accélérer sa réinvention du rôle de père, car nos grands pourraient avoir besoin de lui plus intensément que ce qu’il pense. Il n’est pas libre pour qu’on se voie pendant que je traverse sa région, c’est pas grave, nous parlerons au téléphone dans une semaine.
Après l'amour et l'affection, dans la liste de mes envies, il y a pas loin la beauté. J’en ai pris conscience, petit à petit. Je sens mon attention plus aigüe à un arrangement floral, le développement des haricots à l’assaut de leurs supports de bambous, l’accord des couleurs chez une amie, le geste de lissage d’un enduit. Et mon épiderme est plus sensible à un échange verbal dis-harmonieux, du désordre à la mauvaise place, un outil en mauvais état, l’enherbement de mes parcelles. En vérité ça fait longtemps que j'aspire à épurer mes espaces, mon temps, mes relations, à les désencombrer, pour faire plus de place à la beauté. Mais il semble que le désordre revient toujours si je n'y prend pas garde.
Il faudrait sans doute que je fasse moins de choses pour pouvoir mieux tenir le chaos à distance.
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