La lumière crépusculaire détonne, en ces journées de canicule. Selon les prévisions météo, nous devrions avoir un ciel bleu éclatant que les gens appellent « beau temps ». Par association d’idée, quelqu'un dans mon entourage a dit : le temps est lourd, en hésitant un peu. Mais non, il est venteux et très sec, très différent de l’air lourd, immobile et chargé d’humidité qui précède normalement les orages d’août. Par association d’idée, j’ai dit que cet air étrange ressemblait au ciel de sirocco, quand les vents charrient les poussières de sable du Sahara. J’ai croisé le sirocco en haute mer, au large de la Mauritanie. La lumière de journée était voilée, jaunie, sans ombres, étrange et même un peu angoissante, jusqu’à ce que je comprenne de quoi il s’agissait, en lisant les ouvrages de navigation. Alors, me suis-je dit à l’époque, si c’est un phénomène tellement connu qu’il est répertorié dans les livres de référence, tout va bien, ce n’est pas encore la fin du monde.
Mais ici nous sommes trop loin du Sahara pour les vents de sable.
La question trotte dans ma tête depuis deux jours : qu’est-ce que nous avons là ? J’ai pensé «cendres ». La couleur de cette lumière là, sans doute. Moins jaune et plus grise que celle des poussières de sable. Comme en 2015 le ciel de Mar Del Plata quelques jours après l’éruption du volcan Calbuco, au Chili, à mille sept cent kilomètres de là. Par réflexe, je m’attends presque à voir de la poussière de cendres se déposer sur les surfaces extérieures. Penser cendres conduit mon inconscient à une impossibilité. Il n’y a pas de volcan en Europe dont une éruption d’une telle magnitude aurait échappé à notre flux d’information. Je me souviens de ce volcan islandais, à mille huit cent kilomètres d’ici, qui avait perturbé la circulation aérienne européenne pendant quelques jours, comment s’appelait-il ? Eyjafjoll.
Une part de moi souhaite s’informer, mais une autre n’a pas envie de savoir tout de suite. J’ai peur. Ce ciel me parle en murmurant, il me parle de sécheresse, de la sécheresse que nous traversons une nouvelle fois, qui réveille mon anxiété climatique.
Quelqu’un a cherché et trouvé avant moi. Il s’agirait effectivement de cendres, émises par les incendie colossaux qui ont dévasté soixante mille hectares de forêt au Portugal, à mille six cent kilomètres de la Bretagne. L’angoisse trouve son objet pour se cristalliser en résurgence de mes inquiétudes. Nous ne sommes pas prêts pour ce qui arrive et nous ne serons jamais prêts. Le climat change trop vite. Trop brutalement.
Pendant ce temps, des connards continuent tranquillement la construction de parcs à vagues de deux hectares de superficie, qui vont désorganiser la circulation de l’eau dans le paysage alentours, avec pour conséquence d’aggraver encore les effets du nouveau climat. Et il reste des politiques pour cautionner ça. Et les lois permettent l’avancée du chantier alors même que le tribunal est saisi pour un soupçon d’illégalité des autorisations. Comment est-ce possible ?
Peut-être assistons nous au crépuscule de l’humanité, provoqué par l’incapacité des humains dans leur ensemble, en tant qu’espèce, à prendre sérieusement en compte les signaux que notre biosphère nous envoie.
Je ne verrai pas l'humanité s'avancer bien loin dans le désastre. C'est peut-être pas plus mal. Ai-je envie de voir la suite de cette histoire ?
Commentaires