Pendant le mois de juin, les fleurs se sont relayées chaque matin pour créer un nuage bleu quotidien. Chaque fleur fanait le soir même en cédant la place à la suivante. Ainsi pendant trois semaines délicieusement poétiques. J’étais contente de l’avoir semé (1) dans un bout de parcelle tout proche du chemin de circulation, pour que tout le monde puisse le voir. Les fleurs ont donné naissance à des gousses toutes rondes, contenant six graines chacune, je crois, qui se sont formées et ont mûri.
Maintenant, il revêt sa belle couleur dorée, du pied à la tête, et je dois prendre la décision de la récolte. Choix du moment et choix de la technique. Par arrachage si nous voulons le maximum de fibre, par simple fauchage si je veux privilégier l’incorporation des racines dans le sol et quand même récupérer de la fibre, et simple récolte des têtes si seule la graine nous intéresse.
Comme souvent, le seul fait d’énoncer les options m’aide à clarifier ce que je vais faire. Ici, aujourd’hui, l’énoncé écrit remplace un énoncé oral auquel personne du collectif ne semble s’intéresser assez pour venir le chercher. C’est là qu’on voit qu’une apétence pour une récolte ne se traduit pas nécessairement, loin de là, par une curiosité pour le processus de production. Le cycle agronomique, la charge mentale de conduite de la culture, les choix et techniques de récolte et de soin après la récolte restent dans l’ombre, comme impensés. Ayant moi-même une approche beaucoup plus centrée sur la production que la consommation (2); je suis encore régulièrement troublée par ce que je conçois comme une anomalie, bien qu’il s’agisse du cas général des gens qui ne cultivent pas la terre, donc le plus grand nombre.
C'est pour les utilités multiples de cette plante et sa compatibilité d’emblée avec le sol breton que j'ai voulu tenter cette culture. La graine est directement comestible, après des opérations de battage et vannage manuels que je maîtrise déjà bien. La fibre serait anecdotique à moins de mécaniser la culture, mais peut faire l’objet d’expérimentations en cordages, tissage ou créations artistiques. Le cycle végétal est assez court, profitant des pluies de fin d’hiver, sans attendre que le sol soit complètement réchauffé. Nous allons voir s’il peut réellement se passer d’irrigation quand le printemps est ultra-sec. Le poids de graines récolté sera un indicateur. Et le système racinaire est très important, ce qui nous intéresse en agriculture de restauration des sols.
Alors, puisque nous en sommes aux essais, pourquoi ne pas tout essayer ? Je pourrais récolter en tête tout ce qui est accessible depuis les bordures, puis expérimenter la fauche et l’arrachage d’abord sur les tiges dénuées de tête, et ensuite aviser quoi faire du centre de la placette. A suivre….
- Semi à la volée sur un sol travaillé à la houe, ratissé après semi et couvert d’un léger paillage. Un peu de désherbage de liseron et chardon pendant le premier mois de développement, jusqu’à la fermeture du couvert.
- La reconquête des savoir-produire me semble prioritaire, étant donné qu’il y a encore des gens pour produire et que nous avons encore la capacité économique d’acheter notre nourriture, nos fibres, notre bois de chauffage. Plus encore que les savoir-produire, c’est la compréhension intellectuelle mais aussi matérielle et sensorielle des enjeux de la production qui m’intéresse, afin d’orienter les décisions futures de s’engager dans une production donnée.
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