Aux îles Lofoten, toute maisonnée comporte au moins un pêcheur et les enfants manient avec dextérité le hors-bord avant même de savoir conduire une mobylette. Dans ce pays très étendu du sud au Nord et si montagneux que les
transports maritimes restent majoritaires dans les déplacements de
personnes et de marchandises, on prend le bateau comme ailleurs le
train, le tramway ou le bus.
Il y a quelques dizaines d'années, disons un peu plus, c'est à dire bien avant le pétrole, qui a permis un grand bond en avant dans l'infrastructure routière du pays, c'est à la rame que se franchissaient les courtes distances et à la voile les longues distances. Les enfants apprenaient très tôt à ramer mais aussi à amarrer solidement les barques. On envoyait une lettre de réponse à une demande en mariage en la confiant au garçon de ferme qui partait en barque et passait la journée à aller la livrer au fond du fjord d'à coté ou dans l'île d'en face. Même pour rendre visite aux voisins situés sur une même île, bien souvent, le moyen le plus pratique était la barque, à cause du relief.
J'ai été plongée dans les conditions de vie quotidienne aux Lofoten tout le long du siècle dernier à travers ma lecture du roman "100 ans", de Herbjorg Wassmo, et cette immersion m'a donné un angle de vue peut-être plus tolérant sur le comportement des Norvégiens aujourd'hui, avec leur habitude de laisser tourner le moteur de la voiture pendant une petite course à la supérette, ou le sur-équipement en routes (et donc en voitures) de certaines toutes petites îles dans lesquelles on pourrait tout faire à pied. Une génération a été traversée par la transition d'une vie extrèmement rustique, très dépendante des saisons de pêche et de la météo pour la patate, à l'abondance économique soudaine et constante pendant l'année et d'une année sur l'autre. Ca doit tourner un peu la tête, même s'ils ont eu la sagesse de garder un contrôle démocratique sur la ressource et d'en faire un usage social étendu. Quelques conversations nous ont laissé entendre que la prospérité d'ici a créé ses propres maux sociaux.
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