Pourquoi n’avons-nous pas mieux préparé notre croisière cette année ? Des tas de bonnes raisons, sans doute : le travail, les travaux et rangements dans une maison, en vue de sa location, la préparation d’une autre maison pour sa vente (non, nous ne sommes pas en train de nous reconvertir en agents immobiliers), les séminaires de sociologie et d’anthropologie, le chantier hublots qui nous a occupés beaucoup plus que prévu… ou bien, peut-être nous reposions-nous sur la compétence linguistique d’Ariel pour improviser sur place. Bref. Nous n’avons pas beaucoup préparé cette croisière et notre plaisir en pâtit un peu. Car la solution de facilité, lorsqu’on n’a pas préparé, consiste à faire escale dans les endroits domestiqués, balisés, électrifiés, équipés de pontons, fréquentés par d’autres voileux, et bien entendu payants (très cher en pays basque[1]).
La note s’alourdit en même temps que notre soif de nature se creuse. Il faut dire que cette côte est très inhospitalière aux marins férus de mouillages sauvages que nous sommes. Les rares rias et rivières qui ne sont pas dangereuses d’accès sont des ports minéraliers, industriels ou pétroliers, ou des stations balnéaires au faciès typique d’immeubles sur front de mer et plagistes bruyants. Celles qui sont dangereuses d’accès, à cause d’une barre déferlante ou de bancs de sables évolutifs, auraient nécessité une préparation approfondie en amont, comme ce que nous avions fait avant le voyage en Galice. Repérage d’un club de sports nautiques local, prise de contact quelques semaines à l’avance, rendez-vous dans un port proche et embarquement de « locaux » à bord de Skol pour franchir la barre, trouver notre chemin dans les bancs de sable, oser avancer dans très peu d’eau en sachant d’un petit coin de nature nous attend là-bas pour quelques jours de pause à l’écart de « la civilisation ».
Nous en sommes réduits à redevenir des terriens pour visiter la ria de nos rêves en prenant le train au départ de Bilbao. Une heure de tortillard dans le verdoyant arrière pays Basque et nous nous trouvons face à ce que nous avons manqué : un cours d’eau paisible, bordé de rives marécageuses ou plantées de vigne de txakoli et de champs de pimientos. Un petit mouillage au détour d’un méandre, un seul voilier parmi les canots. Un port de pêche minuscule dans lequel les barques et petits chalutiers rentrent au chausse-pied. Un village tranquille que ne fréquentent vraisemblablement que des familles basques dont la grand-mère habite encore ici toute l’année. Au sein de la réserve de la biosphère d'Urdabai. Zut, et dire qu’on avait un contact sur place possible, par ami d’ami.
Heureusement, l’arrêt à Guernika sur le chemin du retour nous permet de découvrir, entre autres, l’inimitable « chocolate » à l’espagnole, un chocolat chaud si épais que la cuillère tient debout. C’est dans cette ville qu’Ariel l’avait découvert il y a une dizaine d’années et il était resté persuadé, depuis, qu’il s’agissait là d’une spécialité de cette commune. Il a fait sourire un monde fou dans les gares et offices de tourisme, en racontant qu’on allait à Guernika uniquement pour « ça », alors que les gens , d'habitude, ont tendance à prendre un air grave pour acheter le billet de train vers cette destination hautement symbolique et chargée d’histoire.
[1] A chaque surprise du type 35 euros la nuit, Ariel leur demande s’il comptent sur les étrangers pour payer les dégâts de la « crise ».
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