La fin d’après-midi approche, les comptoirs des bars débordent de nourriture. Ils seront réapprovisionnés par des fournées en provenance des cuisines au fur et à mesure de la consommation. Les clients arrivent en grappes, pour un premier verre, accompagné d’une bouchée de pain délicatement garnie d’une spécialité du patron : crabe, fromage, piment doux, champignons préparés, ingrédient seul ou décoré d’une asperge ou d’une lamelle de jambon sec. Tous les produits sont locaux et de première fraîcheur. Il existe une véritable émulation entre les bars d’un même village, à qui préparera les meilleurs pintxos. Chaque bouchée est une surprise agréable, parfois surprenante. Diversité des saveurs et plaisir de l'oeil. Les clients circulent d’un bar à l’autre, rejoignant d’autres potes ou circulant en groupe.
Le travail des serveurs nous fascine, ils jonglent entre les demandes des clients qui se pressent au comptoir sans ordre, surveillent d’un œil les bouchées entassées sur une assiette, en vue du calcul de la note tout à l’heure, versent adroitement le txakoli à la façon du thé à la menthe marocain, en relevant bien haut la bouteille pour faire un jet, ce qui favorise l’expression de la légère pétillance de ce vin sec et délicat des coteaux exposés aux embruns de l’hiver (et qu’on ne trouve qu’au Pays Basque). Lorsque le client veut changer de bar, il hèle son serveur qui produit alors une addition, juste ou fausse, aucun moyen de vérifier. Et pourquoi vérifier, d’ailleurs, l’erreur pourrait aussi bien être en votre faveur. Dans ces bars, entre 16h et 20h, on croise un groupe de trois femmes, une équipe d’hommes robustes, une famille dont les enfants goûtent aussi les spécialités locales, des vieux, des jeunes, c’est toute la population du coin qui sacrifie au rituel. Vers 20h, les présentoirs du bar sont pratiquement vides, chacun rentre chez soi pour la comida tardive à l’espagnole.
Ces grignotages apéritifs qu’on nomme pintxos de Donostie-San-Sebastien à Bilbao, s’appellent ailleurs pinchos ou tapas, sont parfois présentés autrement que sur des tranches de pain, et ne sont pas toujours payants. Les compositions et la qualité varieront, car les Basques ont la réputation de faire les meilleurs, mais le rituel sera le même. C’est tellement bon que nous en faisons parfois notre repas complet, au lieu de simplement un amuse-gueule.
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