Combien de temps faut-il à une huitre pour se développer jusqu'à a taille « n°4 », c'est-à-dire petite huitre de table ? La question est d'importance car nous avons apporté jusqu'ici une cargaison d'huitres greffées sur la quille de Skol. Elles sont toutes de la même taille donc proviennent de la même origine. L'huitre endémique ici est l'huitre du pacifique aussi nommée « gigas » à cause de sa taille colossale, car les plus grandes n'entrent pas dans notre cocote minute pour l'ouverture à la vapeur (1). Alors nous avons peut-être importé illégalement une nouvelle espèce d'huitre, les huitres de palétuvier africaines, qui sait ? Ont-elles eu le temps de disséminer leur naissain ? Allons-nous être coupables d'un désastre écologique dans quelques années, quand notre huitre aura trouvé sa niche écologique dans ce biotope au détriment d'autres espèces ? Ou bien va-t-elle au contraire permettre à une espèce locale menacée de survivre en étant plus facile à ouvrir que la gigas ? Le suspense est total…
En attendant de peut-être se reproduire ici, ces garces d'huitres nous ont joué de sales tours, semble-t-il. En effet, en équipe avec les pousse-pieds contre lesquels on lutte à coup de brosse depuis la traversée de l'atlantique, elles hébergeaient une colonie de petits poissons de format « gobie » ou « blennie », de quelques centimètres de long, avec lesquels une symbiose de type abri-contre-nourriture se tricote fréquemment. Laquelle colonie de poissons, vivant librement sous la coque de Skol, comme si c'était un rocher balayé par des courants parfois vigoureux, a fourni probablement l'essentiel des obturateurs de notre prise d'eau de mer moteur, causes des trop nombreuses alarmes que nous avons subies depuis la descente du fleuve Saloum et jusqu'à notre arrivée ici. Ah, les garces d'huitres, décidément ! Non seulement elles nous ralentissaient à la voile, car elles étaient nombreuses et bien protubérantes, mais en plus elles nous empêchaient d'utiliser sereinement le moteur.
On les a donc décimées sans vergogne à grand coups de marteau et de barre de fer tant elles étaient bien accrochées.
Cet intermède darwinien était en fait une manière d'introduire le sujet du carénage, que nous avons fait à l'abri de la lagune, par vent faible et bien orienté et sous un soleil indulgent, un temps parfait comme il n'y en avait pas eu depuis des jours, et juste dans la petite période où l'horaire de la marée basse était idéal. Skol s'est couché sagement sur la grève de galets, à l'emplacement que les pêcheurs du coin utilisent eux-mêmes pour leurs propres bateaux. Quarante-cinq degrés de gite, comme au plus fort d'une tempête, on avait tout bien calé dedans, en prévision. Ce choix de poser Skol le flanc sur les galets plutôt que le faire échouer debout en appui sur deux béquilles était destiné à nous donner le meilleur accès possible aux dessous du bateau, coté tribord, pour examiner de près cette satanée arrivée d'eau moteur (3). Trois heures de travail acharné pour nettoyer presque toute la coque mais un seul côté de la quille. Si ce n'était la cadence à tenir pour en faire un maximum avant la remontée de la marée, on les aurait bien gardées pour les passer à la casserole, avec les pousse-pieds et les gobies en friture. Un met raffiné pour nous venger de leurs méfaits.
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Que le lecteur inquiet de notre régime alimentaire se rassure tout de suite : nous avons bien entendu adopté des techniques efficaces pour vaincre la combativité de ces grosses huitres Marteau et tournevis pour les séparer les unes des autres et chaleur pour leur faire entendre raison. Il n'était pas question qu'on séjourne plusieurs semaines à côté d'un gisement sans puiser dedans amplement. Ce qui n'a pas étonné les locaux<, ils disent que tous les français se jettent sur leurs huitres. Quelques tentatives d'élevage organisé n'ont pas trouvé de véritable clientèle dans le pays et les ébauches de parc sont un peu à l'abandon. Vous pouvez tout manger, nous dit-t-on ! Et il y en a des tonnes !
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Cela dit, la gigas dite « du pacifique », comment est-elle arrivée dans cette lagune, sinon sur la quille d'un bateau, il y a fort longtemps ?
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Donc, un côté du bateau est propre, celui où se situe la prise d'eau du moteur. Et de même la moitié de l'autre côté est propre, tout ce qu'on a pu aller chercher, allongés sur le dos dans les galets pour accéder le plus loin possible. On devrait ainsi retrouver de belles vitesses quand on sortira d'ici et en attendant les manœuvres de mouillage et remouillage dans la lagune se passent plus sereinement en ce qui concerne le moteur. Ouf.
C'est toujours un bonheur de vous lire les zamis ! Et quelle plume Isa !
Des bisous de Loc
Lolotte
Rédigé par : Lolotte | 08 avril 2015 à 13:18