Quelques jours plus tard, à la fin d'une série de journées pluvieuses et venteuses passées en planque tranquille (1) à quelques encablures des fumerolles convoitées, dont nous nous sommes juste approchés avec Skol lors d'un premier repérage, nous décidons que le moment est venu de tenter une expédition en annexe. Afin de surmonter mon « vertige horizontal », cette sorte de panique qui me prend lorsque nous envisageons de nous éloigner avec Banana au bord d'une très vaste étendue d'eau, et que j'imagine qu'une soudaine bourrasque mal orientée pourrait emporter notre frêle annexe loin du rivage, et nous avec, je propose à mon homme d'embarquer, outre les savons et serviettes pour le bain espéré, quelques équipements « de survie » dont je dresse la liste : à boire, à manger, un grappin muni d'un long bout et le téléphone satellite – pour appeler qui ? me susure-t'il sans toutefois s'opposer à ma demande. Suzette a déclaré la veille qu'elle refusait de contribuer à l'aventure en pétant une durite, quasiment au sens propre. Dont acte. Les bons vieux avirons feront l'affaire et nous longerons le rivage d'autant plus près qu'il n'y aura plus à craindre que l'hélice se prenne dans les algues.
Vous n'imaginez pas l'intensité de notre émotion quand nous avons approché le ruisseau fumant, humé le parfum sulfureux souffré des vapeurs de hammam, brulé le bout de nos doigts en tâtant la température de l'eau, proche de l'ébullition et découvert un peu plus loin une cavité de la taille d'une baignoire, qu'une petite dérivation de la source alimentait d'un mince filet au débit parfait pour en maintenir la température au niveau de confort idéal. C'était donc vrai ! Si on ose entrer dans une baignoire dont le fond est un mélange de gravillons blessants pour les pieds et de roches visqueuses à cause de l'espèce d'algue noire qui y survit, il est possible de s'immerger dans l'eau délicieusement brûlante, se décrasser de fond en comble et même se laver les cheveux, plaisir rare dans notre vie sans douche. Ariel collecte quelques jolies pierres sans véritable espoir qu'il s'agisse de cristaux de souffre qu'il aurait pourtant aimé ajouter à sa collection de cailloux. Deux jours plus tard nous revenons, vertige horizontal totalement oublié, sans grappin ni téléphone satellite, avec à la place un seau et un bloc de savon pour faire une petite lessive. La marée basse cette fois-ci nous permet de marcher le long du rivage à la recherche des autres sources signalées par les nombreuses fumerolles. Le sol est chaud, des colonies de moules se multiplient sur les rochers baignés par une eau de mer adoucie et réchauffée par des résurgences sous le niveau de la mer, d'autres vasques retiennent de l'eau mais toujours trop froide, trop chaude ou pas assez profonde pour s'y plonger, aucune ne convient comme notre baignoire merveilleuse avec vue sur la mer, où nous retournons pour un second barbotage prolongé. De retour au bateau, la fatigue de l'aviron et du bain chaud nous envahissent de nouveau. Ça tombe bien, nous n'avions pas de diner en ville prévu le soir même, ni de rendez-vous le lendemain.
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Repos, lecture, musique, écriture, bricolage, couture, cuisine et observation de la vie animale, notamment les otaries de la colonie voisine qui viennent s'ébattre au débouché de la rivière toute proche, ou du Martin-Pêcheur local, qui, au bout de trois jours, a incorporé Skol dans les éléments du paysage, utilisable comme perchoir pour digérer la dernière prise ou attendre la prochaine.
"Vertige horizontal"... hum hum ! difficile à placer dans une conversation sérieuse, mais je retiens !
:-))
Je vois que vous ne donnez pas les coordonnées de cet endroit magique... faut pas ou alors uniquement à des initiés.
Rédigé par : Flora | 26 mars 2017 à 17:29
@ Flora : un peu d'auto-dérision ne fait pas de mal !
En ce qui concerne les coordonnées du lieu, je viens de corriger le titre de la note pour les livrer. L'endroit est tellement inaccessible aux terriens qu'il ne risque pas l'invasion touristique.
Rédigé par : isa & ariel | 27 mars 2017 à 23:06
Bon, voila, depuis le temps que je suis le sillon littéraire de Skol, ce petit vin aimé du premier des bourbons (curieux mélange); Sous le poids coupable d'une assiduité silencieuse, je me vois aujourd'hui contraint et soulagé de déclarer ma flamme. J'aime vous lire, une écriture fluide, un vocabulaire choisi, cette façon de se livrer avec pudeur, le rythme paisible de votre prose et puis que dire des décors ?
Vous dansez sur la corde fragile, la fine frontière du tangible, là où le présent s'éternise, un lieu d'expérience exigeante, l'émotion y est pleine, l'attention sans tension et l'équilibre incertain à reconduire sans cesse (Taolu). Merci de partager, cela est généreux, sans doute nécessaire et tant mieux pour nous pour moi...
Hervé
Rédigé par : Hervé | 31 mars 2017 à 11:22
@ Hervé : le lecteur silencieux qui se dévoile nous touche par sa délicatesse. Profondément. Merci d’avoir pris la plume !
Rédigé par : isa & ariel | 03 avril 2017 à 19:57