Dix-huitième jour et nous ne comptons plus les virements de bord. Certains d’entre eux ne sont pas strictement justifiés par notre route, mais tant qu’à faire des zigzags, autant les faire un peu sérieusement. Par exemple passer et repasser au-dessus du tombant du plateau continental (1), zone où en principe viennent s’alimenter les thons. Mais bien entendu ce n’est pas là que les grands poissons se sont intéressés à notre petit poulpe de plastique à la traine. C’est bien plus au large, à l’occasion d’un autre virement de bord - justifié, celui-ci, par un léger changement du vent qu’il fallait mettre à profit - que mon œil vérifiant que tout se passe bien à l’arrière remarque une tension intéressante dans la ligne de pêche. Youpee ! Douze kilos de muscles nimbés d’un costume multicolore s’agitent et refusent de monter à bord. Je dois réveiller Ariel d’un grand cri pour qu’il vienne confectionner son fameux nœud coulant qui enserrera la queue de la dorade coryphène pour la tirer vers son destin tragique : sashimi au raifort, darnes grillés, dorade à la tahitienne, et les plus gros filets viendront rejoindre sur le séchoir ceux du jeune thon obèse qui a mordu à l’hameçon quelques jours plus tôt, assez loin du tombant, lui aussi.
Nous ne sommes pas les seuls à pêcher dans ces eaux. Les brésiliens aussi, qui posent des filets dérivants de plusieurs kilomètres de long. Nous en trouvons en travers de notre route à plusieurs reprises, rangées interminables de petit flotteurs reliés entre eux par un câblot, que nous nous escrimons à longer pendant ce qui nous semble des heures, à la recherche du bout, marqué par un petit fanion le jour, un petit lumignon clignotant la nuit. Nous ignorons ce qui se passerait si nous passions tout simplement par-dessus, volontairement ou bien par inattention. Est-ce que le filin porteur se glisserait sous la coque avec ses petites bouées blanches pour resurgir à la surface derrière nous lorsque nous relèverions la dérive ? Est-ce qu’il se coincerait dans le gouvernail ? Dans l’hélice ? Est-ce qu’il nous arracherait la pale de Barkaï, notre régulateur d’allure ? Est-ce qu’il nous arrêterait brutalement ou bien partirait-il en voyage avec nous ? Nous ne le saurons que lorsque ça nous arrivera, si jamais ça nous arrive, comme il a presque été le cas cette nuit où, pris dans les signaux troublants de plusieurs lumignons à tribord et à bâbord, nous n’étions pas tout à fait certains d’avoir bien localisé les deux ou trois filets entre lesquels nous allions tenter de nous faufiler.
- En maints endroits, le plateau continental brésilien se termine par une vertigineuse falaise sous-marine. De 50m à 1000m de profondeur en quelques encablures, disent les cartes. Les remous de la mer confirment qu’il se passe des choses en dessous. Remontées d’eau froide, modifications brutales des courants, vagues acérées.
Aleluya! Buena pesca amigos!
Rédigé par : José | 10 février 2019 à 17:47
Belles prises belles amis !
De beaux sashimis aussi...Petite question, la dorade à la tahitienne, c'est avec du lait de coco et le poisson cuit au jus de citron ?
Rédigé par : michel fromm | 11 février 2019 à 08:30