La France entière a entendu nos hommes d’état fanfaronner sur les 1500 familles qui seront interdites de retour, sois disant pour « les protéger d’un danger mortel » . Essayez de comparer le risque d'une nouvelle inondation de ce type, avec, disons, le risque d'un accident de voiture.
Qui protège t'on réellement ?
Ceux qu’on protège, en prenant une décision à la hache de cette manière : « destruction des maisons, sans dialogue avec les personnes concernées, sans évaluation du coût des dégâts, sans même laisser le temps aux personnes de réaliser les enjeux , de digérer le traumatisme, d’absorber le choc » , ceux qu’on protège là ce ne sont pas les habitants . L’arrogance des déclarations ministérielles « il n’y aura pas de remise en cause des zonages » cache autre chose. Formulons quelques hypothèses :
- On protège peut-être notre président, qui, il y a quelques mois à peine encourageait, justement, en d’autres lieux, la construction en zones inondables ?
- On protège les promoteurs et entrepreneurs du bâtiment, les maires qui ont donné les permis de construire, les préfets qui ont laissé filer les obligations de plan de prévention des risques d’inondation, en détournant les foudres des habitants sur une décision arbitraire, pour ne pas qu’elles se tournent vers les complicités historiques ?
- On protège les assureurs du risque de passer pour des salauds s’ils refusent d’assurer à l’avenir les zones ravagées ?
- Ou bien on prépare un marché de reconstruction en retrait des côtes pour un constructeur ami ? Chantier de 1500 maisons, qui serait financé par nos impôts, pas mal….
Il y a mieux à faire
En réalité, si on voulait protéger les personnes, sans trop s'occuper des biens, on les éduquerait à lire la météo à l’approche de chaque grande marée, puisque c’est la conjonction de la tempête, des grandes marées et de très basses pressions (souvent associées à la tempête), qui provoquent les drames comme celui de février dernier. Ce fameux contact avec les forces de la nature que nombre d'entre nous, même quelques marins aguerris, ont eu tendance à perdre avec le temps, en dépit des prédictions spécifiques de personnalités averties, et en dépit de l'avertissement de 1999, qui avait déjà fait trembler les mêmes façades sur la mer.
C’est comme ça qu’ils ont fait, en Inde, après le tsunami de 2004, pour protéger leurs populations, oui, oui, ils ont éduqué les villageois à lire la météo ! et ils ont aussi fait établir par les gens du terrain des programmes d’évacuation des personnes en cas de danger. (voir l’article du Monde Diplomatique de Mars 2010).
Si on voulait les protéger vraiment, les familles, on pourrait même les contraindre à évacuer leurs maisons périodiquement sur la base de critères définis par les météorologues. Disons une fois par mois pendant les mois d’hiver, le temps d’une marée ou deux.
Responsabilité ?
Certes, les familles installées si près de l’eau ont une responsabilité, tout au moins, il nous semble, celles qui se sont installées récemment dans du neuf, car la popularité de la théorie de la montée des océans, depuis quelques années, devrait inciter chacun à la prudence.
Certes la mécanique de l’assurance des risques tend à faire oublier la responsabilité individuelle de l’évaluation des risques en question. Elle tend aussi à semer la confusion entre la protection des personnes et le remplacement des biens, d’ailleurs. Les biens ne sont pas évacuables aux grandes marées, alors que les hommes, si.
Mais, entre le remboursement intégral des dégâts et la destruction sans appel, il doit exister tout un continuum pour la décision éclairée des personnes concernées.
Solution unilatérale ou solution multipartite ?
Ce qui est aberrant, dans cette histoire, ce n’est pas la classification des zones noires, mais la traduction des zones noires en zones de destruction de maison. Commençons plutôt par une vraie interdiction de construction, et pour ceux qui ont encore une maison debout et habitable à peu de frais, fixons un délai acceptable pour migrer. Et pendant ce délai de migration, assurons intelligemment la sécurité des personnes.
Il pourrait y avoir un contrat entre la collectivité, les assurances, les acteurs de l’immobilier et les familles souhaitant rester ou souhaitant se donner du temps pour préparer une migration sereinement.
Un contrat qui spécifierait par exemple, à quoi les familles s’engagent pour participer à leur propre sécurité (éducation, docilité aux ordres d'évacuations, équipement).
Un contrat qui spécifierait, par exemple, que les assurances couvrent les personnes mais pas les biens. (ça en ferait réfléchir certains, qui seraient du coup peut-être plus motivés pour migrer).
Un contrat qui spécifierait, par exemple, l’obligation des promoteurs et constructeurs concernés par l’abus de prise de risque, à participer à la solution de relogement avec une générosité à la hauteur des profits réalisés sur les opérations immobilières. (chaque promoteur ponctionné à la hauteur du nombre de maisons construites en zone dangereuse)
Le problème avec les solutions multipartites, c'est qu'elles ne permettent pas qu'une des parties tire la gloire à elle. C'est aussi qu'il faut travailler et aller à la rencontre des autres parties, pour les mettre au point. Et y mettre de l'intelligence, la vraie, celle qui échappe aux conflits d'interêts et garde le contact avec les vérités de la nature.
L'article ci-dessous (Le Monde Diplomatique mars 2010, page 7) s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre si vous cliquez dessus, vous pourrez lire plus aisément le paragraphe surligné.