Un archipel d’atolls
L’état de Tulavu s’étend sur 6 atolls et 3 iles habités , situés au centre du Pacifique, un peu au sud de l’équateur. L’archipel est très étendu, il s’étire sur 4 degrés de longitude et 5 degrés de latitude soit l’équivalent sur la géographie de la France, d’un quasi-carré qui irait de Paris à la pointe de Bretagne vers l’ouest et aux Pyrénées vers le sud. Donc beaucoup d’eau, de grandes distances entre les atolls eux-mêmes et une grande distance aux autres nations polynésiennes alentour. Un petit bourg de quelques milliers d’habitants à la capitale et 8 villages dispersés à plusieurs centaines de km. Voici donc une communauté rôdée au maintien des relations à distance et dotée d'une culture de la mobilité solidement ancrée. En effet, la région pacifique est celle qui compte le plus fort pourcentage de migrants – émigrés.
L’archipel est composé essentiellement d’atolls, c’est à dire d’îles basses coralliennes. De minces îlots disposés en anneau autour d’un lagon, encore de l’eau essentiellement. Elles sont par conséquent sensibles à l’érosion, aux tsunamis et à la montée du niveau des océans.
Population : plus de 10 000 personnes. La plus grande île en surface fait 5,6km2 et la plus peuplée, la capitale, Funafuti, 2,8km2. Surface totale : 25km2 soit 405 habitants au km2 (contre 120 en France), beaucoup trop pour l’autosuffisance alimentaire, d’autant que certaines cultures (tarot) ne sont plus possibles du fait de la salinisation du sol par les infiltrations des grandes marées, qui montent de plus en plus haut, irrégulièrement. Et l’autosuffisance n’est pas le seul de leurs problèmes : eau potable, énergie, déchets… sont des épreuves de quadrature du cercle au quotidien.
Alofa Tuvalu
Une association franco-tuvaluenne s’intéresse à l’ensemble de ces difficultés de la population, les considérant comme emblématiques des conséquences du changement climatique. Cette association créée par une ancienne journaliste a choisi le nom de ALOFA TUVALU (aimer Tuvalu) et a conduit ou initié plusieurs initiatives. Les membres de l’association oeuvrent à la promotion de comportements humains plus respectueux vis-à-vis de la planète : consommation d’eau, d’énergie, recyclage, déchets.
Le projet « Small Is Beautiful », notamment, vise d’une part à aider la population Tuvaluenne à faire face à la menace que constitue la montée des océans et d’autre part à sensibiliser le grand public au sort de cette nation et plus généralement aux questions liées au changement climatique. Depuis 2004, il s’agit de mettre en oeuvre à Tuvalu des solutions et systèmes éprouvés ailleurs , avec les adaptations aux conditions locales qui s'imposent et de démonter au public qu’il est possible de réduire l’impact de l’homme sur le climat. « Small is Beautiful » est l'une des Actions Remarquables de la Décennie de l'Education au Développement Durable de l'Unesco (décennie 2005-2014).
J’ai rencontré la fondatrice et la chargée de mission de cette association dans le cadre de ma propre recherche en sciences sociales sur les conséquences de la montée des eaux pour les populations littorales, recherche donc je parlerai plus longuement sur ce blog au fil des mois.
Hypothèses
Une grande partie de l’action d’Alofa Tuvalu s’appuie sur une chaîne complète d’hypothèses : l’hypothèse que le niveau des océans s’élève parce que le climat change, l’hypothèse que le climat change du fait de l’Homme, et l’hypothèse qu’un changement de comportement de l’Homme pourrait enrayer l’évolution du climat. Sous ces hypothèses-là, leur action est cohérente, et d’ailleurs je la soutiens par mon adhésion.
Bien avant cette rencontre, dans le cadre de ma recherche, j’avais eu besoin de formuler mes propres hypothèses et j’étais arrivée à une conclusion (provisoire) différente : je m’appuie au départ sur l’hypothèse que le niveau des océans s’élève parce que le climat change, tout comme Alofa Tuvalu, mais je ne m’attarde pas sur l’hypothèse de la responsabilité humaine et je suis réservée sur l’hypothèse de réversibilité des choses.
L’ingénieure en moi est en effet persuadée que les effets du réchauffement climatique sont déjà engagés dans la dynamique des océans à un point tel qu’il faut examiner de près comment les hommes et les sociétés vont s’en accommoder concrètement, sans espérer que les changements de politique et de comportement à l’échelle mondiale suffisent ou interviennent suffisamment tôt pour enrayer ce qui est en route. Cette divergence d’hypothèses ne nous a pas gênées pour échanger ouvertement sur ces questions et envisager une coopération future. Mon adhésion à l'association signale qu'au delà de mes propres perplexités de scientifique, il y a une chose dont je suis sure : les initiatives de qualité comme celle-ci, d'autant plus lorsqu'elles se prolongent dans la durée, ce qui est le cas ici, sont porteuses de germes de solutions et de perspectives pour l'avenir, même si ce n'est pas forcément là où on l'espérait.
Avenir
Il n’y aura pas de « grande migration soudaine », mais il y a déjà des comportements migratoires de Tuvaluens. Emigration en partie culturelle, car les populations de petites îles ont toujours essaimé, en partie économique, dans la quête de conditions de vie plus prospères, et en partie à cause des incertitudes sur l’avenir à long terme du territoire.
Pour ceux qui restent, il y a les pieds dans l’eau à chaque séquence de « King Tides », déjà.
Sources :
tuvaluislands.com
alofatuvalu.tv
thèse NZ : Migration Effects on Tuvalu (2009)