Un sujet dont les gens de mer parlent peu, si peu qu’on dirait qu’il est tabou. Avez-vous déjà parcouru des sites de navigateurs, vacanciers ou résidents sur leurs voiliers, en petit voyage ou au long cours ? Avez-vous lu des récits de mer ? Combien parlent de la libido ? Dans un récit de voyage familial, le lecteur apprend que la famille s’est agrandie. Ils sont partis à 5 et ils sont revenus à 6. Le petit dernier a donc été fabriqué à bord. Ouf, il y en a donc qui le font. Dans un autre récit, celui d’une navigatrice célibataire, on lit que des équipiers viennent ici où là seconder la skippette et l'on croit deviner que certains sont appréciés d’une manière plus charnelle que d’autres. L'on croit deviner. L'on s’en réjouit pour eux, d’ailleurs; c’est tellement meilleur, la promiscuité des corps quand elle est associée à une vraie proximité des corps. Et des âmes. Bien sûr. Mais là nous parlons des corps. De comment ils se partagent les balancements de la coque, babord, tribord, comment ils les accompagnent ou comment ils les utilisent. Car, contrairement à la légende, qui déclare la femme maudite à bord (sans doute à cause des Sirènes d’Ulysses, réputées pour être sources d’ennui pour les marins) et malgré les nombreux équipages qui déclarent préférer naviguer entre mecs, nous affirmons que les marins et le sexe, ce n’est pas seulement une femme dans chaque port, ça peut être aussi une femme dans chaque bateau !
Cela n’est certes pas tous les jours facile, notamment en navigation hauturière, navigation qui dure plusieurs jours sans pause portuaire.../...
D’abord, les premiers jours, la libido est fortement parasitée par l’amarinage, période dont le corps a besoin pour s’accommoder aux mouvements permanents, et pendant laquelle on se sent un peu nauséeux. Ariel appelle cela l’effet bromure. Le bromure était un produit qu’on administrait aux soldats pour calmer leurs ardeurs sexuelles. Donc le mal de mer fait un peu bromure. Vomir n’est pas sexy du tout, j’en conviens. Ensuite, après l’amarinage, il reste tout de même les quarts de veille. Chacun son tour de garde, par tranche de 4 heures. Chacun son tour, donc jamais deux en même temps sous la couette, en ce qui nous concerne, lorsque nous naviguons à deux. L’un se couche fatigué lorsque l’autre émerge tout juste. Libido pas souvent synchronisée. Tout ceci laisse tout de même pour les câlins l’option sieste coquine en journée, en restant assez bref puisqu’il faut garder un œil sur la route, les voiles, etc… C’est faisable. L’idéal étant la sieste cockpit avec quelques coussins bien disposés, lorsqu’il fait grand beau temps et qu’on peut paresser, préliminer ou prolonger à loisir, personne à l’horizon, on reste comme ça, on savoure, rien ne presse...
Au port, on retrouve un rythme normal entre jour et nuit et la couette partagée, et l’on peut savourer les nombreuses grasses matinées que la vie rustique offre. Travailler moins pour aimer plus ! L’ennui du poste à quai ou a ponton, c’est qu’on reste tout de même dérangeables par les amis ou voisins, car chacun s’invite facilement sur le bateau des autres, dans cette communauté. Un petit café le matin, un petit digestif le soir, pas facile de faire comme si nous n’étions pas là. Alors le secret, c’est d'aller au mouillage ou au corps-mort. J’attire l’attention du lecteur sur ces deux expressions désignant des manières d’attacher le bateau au fond de l’eau au moyen d’une chaîne. La première, qui prévoit l’usage d’une ancre à l’extrémité de la chaîne, est déjà érotique dans sa dénomination. Mouillage, tiens donc. Et l’ancre a une forme en soc de charrue, et même une verge ( je n’invente rien) ! La seconde expression, corps-mort, bien que sinistre à première vue, est en réalité teintée de lubricité pour nous deux. Cette particularité remonte à notre rencontre et nos premières navigations ensemble, où la question « et si on prenait un petit corps-mort ? » a été utilisée avec insistance comme une invitation à faire mieux connaissance. Faire connaissance bibliquement, oui. Depuis cette époque, le corps-mort est pour nous synonyme d’intimité, d’isolement et l’occasion de profiter tout à loisir des infinies variations qu’offre l’intérieur labyrinthique d’un bateau à qui sait le regarder avec l’œil calé sous le niveau de la ceinture.
Car voyez-vous, l’intérieur d’un bateau recèle des possibilités intéressantes et bien plus variées que les différentes pièces d’un appartement. Notre lit breton à l’arrière, dénommé « cabine du pacha », a un plafond très bas. Certaines postures sont donc difficiles au risque de se casser le dos, voire techniquement impossibles, mais d’autres prennent une vigueur inconcevable dans les grands espaces. Le carré ouvre toutes les options d’un bon canapé d’angle, solidité en plus, car tout est prévu pour supporter les plus vigoureuses tempêtes. Même chose pour la cuisine, donc : les appuis divers d’une cuisine et la solidité en prime. L’échelle de descente offre des gradations de hauteur qu’une gamme de tabourets instables ne pourraient pas assurer, avec presque autant de piment. La coursive, par son étroitesse, invite au corps à corps à chaque fois qu’on s’y croise. Et ainsi de suite, avec un peu d’imagination ….. Comment appellerait-on le livre des positions sexuelles à bord des voiliers ? L’Abécédaire de l’Amour en Mer, peut-être ? A comme Ardent (1), B comme Bite d’amarrage, C comme Cordes, ou Chatte (2)… L comme Libre Pratique (3), M comme Mouiller (4), O comme Obeïr (5), S comme Slip(6) ou bien comme Suceuse (7) …. Un best seller, sans aucun doute.
(1) Ardent : Un navire est ardent lorsqu'il tend de lui-même à se rapprocher du lit du vent. C'est le contraire du mou.
(2) Chatte : Grappin à patte sans oreilles dont on se sert pour draguer les câbles ou les objets tombés à la mer.
(3) Libre pratique : Permission donnée par les autorités sanitaires d'un port à un navire de communiquer librement avec la terre.
(4) Mouiller : Jeter l'ancre.
(5) Obéir : Un navire obéit bien à la barre quand il en sent rapidement l'action.
(6) Slip : Plan incliné destiné à mettre à l'eau ou à haler à terre de petits bâtiments au moyen d'un chariot sur rails.
(7) Suceuse : Drague travaillant par succion du fond
Bonsoir les skoliens,
Il y a des soirs ou j’aimerai m’appeler corps Mort.
Juste pour entendre chuchoter l’amour.
(Pas par obsession ou « voyeuriste » juste parce que l’Amour se perd...).
XY
Rédigé par : XY | 03 mars 2012 à 20:31
Ben oui, une femme dans chaque bateau, quoi !
Astuce : Éviter d'entrer en relation prof / élève avec sa chérie à propos de la voile, pour préserver la libido.
Rédigé par : Skol | 04 mars 2012 à 21:51