Même en été, le soleil norvégien est toujours relativement bas sur l’horizon, ce qui donne des effets de lumière magnifiques à toute heure, dès qu’un espace s’entrouvre entre les nuages, ou même à travers les nuages. Diaphanes, irisées, dorées, rosées, parfois mauves. Lumière sur l’eau, sur les montagnes, sur les façades colorées des maisons, des granges, des entrepôts. Ou bien peut-être ces lumières infinies sont-elles dues à la texture de l’air, un peu comme en montagne. Ou alors c’est juste notre émerveillement d’être ici, et le temps que nous pouvons prendre pour les admirer. Mais non, ces lumières ont vraiment quelque chose de spécial.
Au fil de la montée vers le nord, la nuit s’estompe petit à petit. Jusqu’à un point où il reste assez de lumière dans le ciel pour lire un bouquin sur le pont à deux heures du matin. Déroutant. On peine à réaliser, le soir, qu’il est l’heure de se coucher, les veillées se prolongent donc, déséquilibrant les journées. D’un autre coté, cette lueur permanente autorise des options de navigation nouvelles puisqu’on ne se soucie plus d’arriver avant la nuit dans un passage complexe. On y verra suffisamment de toutes façons, pourvu qu’il n’y ait pas de brouillard. D’ailleurs l’expression « arriver avant la nuit » dont nous avons mis un peu de temps à nous défaire, est devenue une blague entre nous.
Les populations humaines, animales et végétales qui résident à l’année ici doivent s’accommoder au fil des mois d’un changement considérable de l’éclairement quotidien, allant du jour quasi permanent à la nuit quasi permanente. Mais tant d’activités sont liées, justement, au cycle circadien ! Alimentation et repos, notamment. Comment font-ils ? Comment font les animaux pour savoir quand chasser et quand se reposer ? Nous avons été très perturbés nous-même au début, par ces journée sans fin et cette lumière persistante, jusqu'à une forme d'iritabilité qui a duré quelques jours.
Nous nous sommes amusés, pendant une quinzaine de jours, de la précipitation des norvégiens à s’installer au soleil sur le premier siège venu, chaise, banc, muret, et à ôter autant de couches de vêtements que la décence autorise pour profiter du moindre rayon direct sur la peau. Même pour une seule heure, voire moins. Nous nous en sommes amusés jusqu’à nous surprendre nous-mêmes à nous comporter de la même manière; avec toujours une couche de vêtements de retard, tout de même….
Et quand la nuit est revenue dans nos journées, lors de la route retour vers le Sud, nous avons éprouvé des sentiments mélangés. Retour des inquiétudes nocturnes, lorsqu’on ne voit plus les vagues ou qu’on distingue à peine les rochers proches, et retour de la fatigue qui accompagne la vigilance restaurée. Joie de retrouver les étoiles, que nous n’avions pas contemplées depuis plus d’un mois. Sentiment de quelque chose d'extraordinaire qui s’achève, d’un retour à une normalité dont nous étions éloignés.
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