Première destination majeure : le Sénégal. Destination qui résonne fortement avec mon passé et avec mon avenir, mais qui ne « parle » que très peu à Ariel.
J’y ai des souvenirs d’enfance très vivaces, une arrivée à Dakar en voilier familial et une navigation en Casamance jusqu’à Ziguinchor, des couleurs, des rythmes et des rencontres qui m’ont fait dire à mon chéri : « je voudrais te montrer ce pays ». Depuis cette première invitation, fort ancienne mais dont il se souvient et qu’il ne manque pas de me rappeler, j’ai construit un projet de recherche socio-anthropologique, qui implique un long séjour sur ce littoral en érosion sévère, une immersion au sein de la population côtière. Il ne s’agit plus seulement de lui montrer le pays, qui a d’ailleurs dû bien changer depuis, il s’agit de s’en imprégner. Donc d’y rester.
Mais Ariel n’isole pas le Sénégal du reste de la Grande Afrique, à laquelle il attache un passé fait d’exploitation coloniale et un présent troublé par la pauvreté, les guerres et la maladie. Ariel regarde l'Afrique d'abord comme une terre de douleur et il pense que les Blancs n’ont rien à y faire pour les cinquante siècles à venir. Il n’accepte l’idée de ce long séjour en terre africaine que parce que la côte Ouest de l'Afrique se situe presque sur la route qui nous mènera à la Patagonie, notre seconde destination majeure. Et par amour pour moi. Par respect pour mon besoin de donner un sens et une portée intellectuelle à notre itinérance. Il honore en cela l’engagement que nous avons l’un envers l’autre dans ce projet de voyage : chacun doit y trouver son compte, aucun de nous deux ne doit s’oublier dans le projet de l’autre.
Les enjeux sont complexes, entre mon espoir d’y affiner un projet de thèse sur lequel je travaille maintenant depuis 4 ans - avec le risque d’y découvrir que mon hypothèse[1] de recherche ne tient pas l’épreuve de la réalité du terrain - et le besoin d’être vraiment à l’écoute de l’acclimatation d’Ariel à cet environnement. S’il ne se laisse pas séduire par les lumières, les odeurs et les musiques, les sourires parfois trompeurs mais souvent sincères, les paysages de mangrove et les oiseaux magnifiques, si rien de cette terre ne parvient à le charmer, alors il faudra en tenir compte. Ma recherche ne doit pas devenir un pensum pour lui.
Nous avons ensemble soigné quelques aspects de notre préparation dans la joie et une complicité certaine. Quelques rencontres avec des sénégalais en france, rencontres fortuites ou recherchées. Découverte du wolof, la langue majoritaire du pays. Familiarisation avec l'histoire et les réalités sociales locales à travers la lecture, non pas de guides touristiques, mais plutôt de romans et de bandes dessinées d'auteurs ouest africains et le visionnage de quelques films. Jeux de percussions, dans lesquels ma pratique récente rejoint celle, beaucoup plus ancienne et débridée, de mon homme musicien génétique. Décodage de la cartographie et des photos aériennes d’un littoral à la morphologie changeante. Prises de contacts, chacun dans son domaine : pour moi les chercheurs scientifiques et pour lui les acteurs du journalisme audio-visuel. Nous saurons bientôt si ce cocktail nous a effectivement préparés…. ou pas ?
Dañu y dem. Nous partons. Ak suñu gaal. Sur notre voilier. Pour l’aventure, pour une vie d’itinérance, pour savourer les mois et années à venir au contact de la nature et ses exigences, pour être ensemble enfin, après ces années de résidence alternée, pour changer de vie et vérifier si ça nous convient vraiment, pour renouer avec autre chose, l’horizon sans cesse repoussé, les ciels changeants, le rythme de la grande houle qui appaise, pour retrouver le temps de penser, méditer…. Nous partons.
[1] Hypothèse que la réponse sociale à l’avancée de la mer est observable, descriptible et analysable au travers de concepts que j’ai spécifiquement choisis. Ce n’est pas garanti. Il se peut que rien ne soit pas vraiment accessible à l’observateur extérieur tant sont nombreux les autres sujets d’attention dans un pays pauvre.
Bon vent, bonne Afrique à tous les deux...
Rédigé par : Sylvie | 13 mai 2014 à 17:08
Une seule chose me chagrine dans votre projet : pourquoi aller là à la mauvaise saison ?
L'été au Sénégal, c'est la saison des pluies, chaud et humide, alors qu'en hiver, c'est bien plus sec avec une température moins chaude la nuit surtout.
Beaucoup plus de risques de palu, épidémies fréquentes de choléra en Casamance...
Sans ironie, vous comptez sur le changement climatique ?
J'ai beaucoup aimé le Sénégal et les deux mois passés sur le fleuve Casamance, mais en plein hiver, de décembre à février.
Bonne chance en tout cas pour votre voyage.
Je vais vous suivre.
Marie Noëlle
Rédigé par : Marie Noëlle Castan | 11 juin 2014 à 16:20
@ Marie Noëlle
Notre démarche n'étant pas touristique mais principalement scientifique, une présence à contre-saison n'est pas un contre-sens. C'est déjà assez difficile de faire entendre aux gens ici que nous ne sommes pas des touristes, si en plus on avait choisis la belle saison qu'en serait-il?
Rédigé par : skol | 28 juin 2014 à 20:40
Bonjour Isabelle,
Je ne découvre ta réponse qu'aujourd'hui !
Je ne vois pas cela comme toi.
Les "autochtones", partout dans le monde, font très bien la différence entre les touristes et les voyageurs en voilier. Enfin, c'est ainsi que je l'ai vécu.
Bon courage pour la suite.
MN
Rédigé par : Marie Noëlle / Flora | 11 juillet 2014 à 18:10