Dans ce pays montagneux, venteux, humide, j'ai souvent l'impression de me trouver au japon, dans un jardin de bonsaïs. Je peux passer des heures à examiner la forme tortueuse ou allongée d'un arbre accroché à la pierre, contempler la silhouette gracile d'un autre qui se détache sur le ciel à contre-jour, admirer comment certains pans verticaux de roche sont couverts d'une végétation complète, des mousses variées aux grands arbres, en passant par les graminées et les arbustes de taille diverses. Les murs végétaux qu'on tente de mettre en place dans nos cités n'inventent rien.
Il m'arrive de retrouver, au vu d'une silhouette, le nom de la forme classique de bonsaï à laquelle elle correspond, résurgence d'une mémoire à demi perdue de l'époque où j'en élevais moi-même. Je m'émerveille de découvrir à quel point ces styles précis reproduisent vraiment des types de développement naturels, qu'il s'agisse de la densité du feuillage rassemblé en plateaux compacts horizontaux, de l'inclinaison extrême des branches et rameaux penchés au-dessus de l'eau « en cascade », ou de la présence de tronçons brisés et dénudés de leur écorce au milieu de la frondaison encore verte. Qu'il s'agisse d'arbres isolés ou d'arbres poussant en groupe, une espèce complétant l'autre. Même cette situation particulière d'un vénérable seigneur tombé sous une tempête et qui reprend vigueur à partir de la partie de sa ramure encore en l'air, le tronc posé sur la mousse se chargeant de pousser de nouvelles racines est un style répertorié, nommé « forme en radeau ». La gracieuse silhouette élancée et légèrement inclinée dont les branches basses se sont rompues et dont seule la cime comporte encore un bouquet de feuillage tourné vers le ciel s'appelle « forme du lettré ». Le style « battu par les vents » dont on comprend comment elle se développe naturellement est ici nommée « arbol bandera », l'arbre-drapeau.
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