Une vieille connaissance nous a rendu visite à bord, en pleine mer, alors que l'Ile Kent s'effaçait dans notre dos et que le vent du nord, plus musclé que prévu, contrariait la grande houle du sud-ouest, écho permanent des grandes tempêtes antarctiques. Une légère torpeur, la concentration difficile, l'appétit étiolé. Nous saluons, un peu hypocritement, notre visiteur importun, Tiens donc, te revoilà!, Comment ça va ? Tu comptes rester longtemps ? , en espérant secrètement qu'il ne fait qu'une courte apparition. Dans quelques heures, quand on se sera un peu éloignés de la côte, Skol dansera plus régulièrement, permettant à nos corps de retrouver leurs repères. Mais non, le coquin s'incruste. Et il prend ses aises, occupant toute la place. Compris. Nous rentrons un seau à l'intérieur, pour les cas d'urgence. Nous nous relayons à la veille toutes les deux heures. Celui qui est de quart passe cent vingt minutes à lutter contre la nausée, lutte pas toujours victorieuse. Celui qui est allongé tente de dormir un peu, en calant sa hanche, ses genoux, ses épaules, contre les parois, pour limiter les effets des mouvements de lessiveuse (1).
Nous avançons vite, même après avoir réduit la toile, étape par étape, jusqu'à un simple petit foc à l'avant. Les opérations de réduction de voilure ont été compliquées, il fallait par moment s'accrocher au mat à pleins bras pour ne pas se faire éjecter au bout de la longe du harnais. Celui qui était allé à l'avant finissait la manœuvre épuisé et agité de haut-le-cœur, sous les bravos et remerciements soulagés de l'autre, resté dans le cockpit pour aider. Salaud de mal de mer.
Tambour battant, voilà d'où vient l'expression ! Chacun, pendant son quart, évalue la distance parcourue à ce train d'enfer. Et nous parvenons à la même conclusion : ça ne serait pas une bonne idée de nous engager dans le Golfe des Peines dans l'état où nous sommes et dans l'état où est la mer. Une pause s'impose, dans l'un de ces abris que les pêcheurs eux-mêmes utilisent quand l'océan Pacifique est infréquentable. Il a été un peu difficile de passer par-dessus bord l'intrus tant il était incrusté, nous laissant semi-nauséeux même après le retour en eaux abritées, mais un peu de repos et quelques bons repas ont fini par lui faire lâcher prise !
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Nous découvrons à cette occasion que la petite couchette étroite, celle que nous appelons « couchette cercueil » et que nous n'avions jamais utilisée nous-mêmes est sans doute la meilleure pour lutter contre le mal de mer. Trois ans de voyage pour en arriver à cette révélation…
Bonjour Isabelle, quand je vois toutes vos pérégrinations dans ces contrées sauvages, je comprends quand tu dis que 6 mois, ce n'est pas assez. Question; comment avez-vous géré tout ça avec l'Armada qui semble-t-il, veut toujours savoir où on se dirige et quand on arrive ?
Bon vent et bonne mer
Philippe
Rédigé par : Philippe Lagarrigue | 11 juin 2018 à 14:16
Hello Philippe, nous avons passé au total deux ans et deux mois entre l'entrée par Magellan et la sortie par Lemaire. On avait prévu 6 mois dans notre premier planning concocté en france...
L'armada exige d'être tenue au courant de tout mouvement et tous les jours, mais en dehors du Canal Beagle ils n'ont pas de couverture radio le long des canaux. Nous demandions aux rares cargos et ferrys que nous croisions de bien vouloir signaler notre position aux autorités et les autorités ont fini par "savoir" que nous avançons très lentement !
Rédigé par : isabelle | 11 juin 2018 à 23:25