Un court message nous informe que la tempête qui nous a coincés à bord pendant deux jours a fait des ravages chez Alejandro : une des trois serres est détruite. Merde, on n'a pas pensé à ça pendant notre nuit blanche. Mais bien sûr, les fermiers aussi sont exposés aux violences du mauvais temps ! Le lendemain, les opérations de déblaiement ressemblent à un mikado géant. Il faut retirer une à une les poutrelles tombées en vrac sans provoquer plus d'effondrement ni endommager les cultures que la serre abritait et qui se retrouvent maintenant en plein air. Le durcissement des feuilles de laitue sera à mon goût mais pas à celui des clients habituels et les taches de pluie sur les feuilles de bette entraineront la vente en vrac à prix cassé. Cette perte commerciale n'est qu'une des conséquences de l'incident. L'activité de la ferme se trouvera perturbée pendant plusieurs semaines, à la recherche de journées propices pour les étapes de reconstruction, laquelle consommera des journées de travail qui auraient dues être consacrées à la préparation des sols pour les plantations de printemps, lesquelles ne peuvent attendre éternellement. Ainsi nous découvrons un autre registre de similitudes entre la vie à la mer et la vie à la terre : les conséquences en chaine d'approximations faites dans des choix antérieurs (1).
Notre ami fermier prend la chose relativement stoïquement. Son tempérament calme l'aide à évaluer la situation sans excès et la diversité de ses sources de revenu diminue objectivement la gravité de l'incident. Comme un avertissement à peu de frais. Du coup, nous découvrons une tradition locale héritée des peuples indigènes, la réunion semi-festive, un dimanche, d'amis et voisins pour accomplir le gros du travail de reconstruction, hors de portée d'un fermier seul même aidé par deux marins de bonne volonté. Ça existe sous des noms divers dans d'autres parties du monde. En Amérique Latine, ça s'appelle une Minga. Pour l'occasion, deux des jeunes porcelets ont été sacrifiés la veille et longuement cuits « con cuero ». Ils seront servis après l'effort pour un festin de remerciement aux participants. Nous admirons et apprécions la fluidité des opérations de restauration de la structure où chacun prend sa place dans le chantier selon ses forces et ses compétences. Le travail est simple et connu de tous, ce qui dispense d'une coordination centralisée. Comme un équipage bien rôdé. Nous suivons le mouvement et nous attelons à des tâches fastidieuses à notre portée, déchargeant ainsi l'équipe pour la charpenterie lourde.
Les bavardages émaillent le travail sans l'interrompre, auxquels mon homme se mêle bien plus aisément que moi. Les plaisanteries fusent sur une navigation promise il y a trois ans et encore à venir.
Perle supplémentaire de la journée, ce compagnonnage nous rapproche enfin de Gerardo, l'autre chanteur du groupe Arcavocès. Nous ne l'avions croisé ces dernières semaines que trop fugacement à notre goût, à l'occasion des concerts où nous étions allés les écouter. Oui, c'est un peu compliqué, ces amis fermiers qui sont aussi musiciens. Nous en reparlerons.
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Car, au fil des échanges pendant la manipulation des poutrelles, nous découvrons que cette serre-là, qui aurait dû être la moins touchée par la tempête parce que la plus récente et encadrée par les deux autres n'avait pas bénéficié des mêmes techniques d'implantation. Les raisons étaient valables, il avait été décidé de ne pas renforcer les pieds avec du ciment mêlé à la terre, car la dissémination de ciment, à la longue, est toxique pour les cultures. La vulnérabilité des serres d'Alejandro vient aussi de la planéité du terrain et de l'absence d'arbres coupe-vent, absence qui relève elle aussi de choix antérieurs. Une première lisière d'arbres plantée dès la première année, comme la situation l'exigeait, n'a pas résisté aux conditions difficiles du terrain humide et venteux, faute de techniques de protection adéquates des jeunes arbres. Et par la suite, Alejandro, pris dans les cycles de production, n'a pas trouvé le temps, l'énergie, de procéder à une replantation plus lourde en préparatifs et en efforts.
Bonjour tous les deux
Mais que c’est beau cette entraide!
Ici en France la tempête a été désastreuse ,beaucoup ont tout perdu et même la vie pour certains.Des images qui font peur.
J’aime beaucoup la photo d’Isabelle, montrant son petit panier plein d’œufs!
On vous embrasse
Rédigé par : Liliane et André | 03 novembre 2018 à 13:46
@ Liiane : oui j'ai lu les dégâts de la tempête Adrian sur la corse notamment. la violence des éléments peut faire peur, et devrait aussi nous rendre plus humbles, non?
Rédigé par : isabelle | 06 novembre 2018 à 16:48