Comment peut-on aimer le Sénégal ? Quand on arrive en voilier, la côte est plate et sans relief, du genre du sud de la Bretagne, rien à voir avec les sommets vertigineux de la Norvège, des Açores ou des Canaries que nous avons tant aimés. Pour réussir à approcher cette côte, de nombreux obstacles viennent à vous : centaines de pirogues qui circulent anarchiquement jour et nuit, centaines de filets et casiers en activité ou abandonnés, macro déchets en tous genres, bancs de sables qui se déplacent au gré des saisons et je ne m’étendrai pas sur les épreuves imposées par l’administration du pays pour réussir à toucher cette terre promise.
Comment aimer le Sénégal ? Les Blancs qui y résident sont majoritairement de l’espèce prédatrice la plus « efficace » : de grosses entreprises étrangères comme Total, Eiffage, Société Générale, et quantité d'autres, ainsi que les trois corps d’armée française se partagent le "butin". De même de nombreux individus blancs tentant de profiter des richesses disponibles ou prétendant participer au développement et à la stabilité du pays (dans le tourisme, l'humanitaire et l'import/export principalement) se cloîtrent derrière des murs et barbelés de protection et ne se mélangent quasiment pas avec la population locale. Non seulement ils exploitent les ressources les plus juteuses du pays depuis des décennies, mais ils prétendent en plus donner du travail et un modèle de fonctionnement aux Sénégalais qui sont en fait relégués le plus souvent avec fatalisme dans les rôles subalternes. Sans les blancs, le pays reculerait économiquement et s’enfoncerait dans l’anarchie et la violence, voilà ce qu'on entend ici et ailleurs. C’est possible, mais le destin du Sénégal n’appartient-il pas aux Sénégalais ?
Où sont les ingénieurs, scientifiques, artistes, enseignants et cadres de tous domaines pour penser un Sénégal dimensionné par les choix Sénégalais ?
Les Français, dehors ! Les blancs, dehors ! Même les zumanitaires ! (1) On sait le prix en vies humaines que le Zimbabwe a payé par les choix radicaux de son président Mugabe, mais on connaît aussi la fierté que les boliviens ont ressenti quand Evo Morales, leur président, s’est réapproprié les ressources naturelles de son pays pour en redistribuer les fruits plus justement.
Qu’en est-il, par ailleurs, de l’éthique noire ? Aussi arrogante et discriminante que la blanche, sans aucun doute, malgré le mythe de l’hospitalité sans contrepartie. Ces siècles d'esclavage leur donnent-ils le droit de paraître aussi brutaux et fiers de vous écraser les pieds pour passer devant vous dans une file d'attente? Quelle est l'influence des penseurs noirs sur le destin de leur pays? Comment peut-on supporter de vivre dans un pays qui condamne pénalement l'homosexualité, tolère la polygamie et respecte aussi peu les femmes ? Sans parler de l’oppulence affichée d’une nomenklatura noire empressée elle aussi de se réfugier derrière ses murs et barbelés protecteurs en se coupant de la majorité de la population.
Comment aimer le Sénégal ? Comment mes amis et connaissances européens ont-ils pu être fascinés par ce pays et m’en renvoyer une image enchanteresse ? (2) Ils n’ont pas vu autre chose que ce qu’on leur donnait à voir ? Il faut pourtant des œillères de bourricot pour passer à coté de l’envers du décor. Comment ont-ils pu se laisser accaparer l’attention par les oiseaux, la luxuriance de la flore et la chaleur des sourires dont on ne sait quelle part est intéressée au bénéfice qu’elle tirera de la rencontre ? Car ici, l’amitié est décrétée avant même de se connaître et nombreux sont les sénégalais qui se vantent d’avoir un ami français. Beaucoup sont en recherche de contact avec un blanc ou une blanche, sans trop se préoccuper de la réelle identité de "l'ami français", l'essentiel étant de réussir à faire une bonne affaire dans l'instant car demain, on ne sait pas de quoi le repas sera fait...Et tous les opportunismes seront bons pour parvenir à ses fins. "Tu es mon ami, aide-moi" est une façon de fonctionner car le Blanc est riche, surtout symboliquement.
Peut-être commence-t-on à réaliser que le modèle socio-économique prôné par l'occident a ses limites et qu'il n'est pas adaptable à toute la planète. Comment imaginer, par exemple, de travailler de la même manière ou aux mêmes horaires que les européens quand il fait 35° à l'ombre de 10h à 17h? On fait tourner les climatiseurs et les ventilateurs et on fait comme si de rien était? Bonjour la facture énergétique et la bonne conscience écolo! "La planète brûle" dit-on chez nous. La voie sénégalaise se cherche et se trouvera peut-être entre le respect des traditions et les ouvertures vers des expériences variées et respectueuses de principes fondamentaux de vie commune.
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(1) Combien de subventions internationales reçoivent ces structures qui veulent « aider » les sénégalais en souffrance ? Quel est le coût de leur fonctionnement et la facilité pour les états de se reposer sur ces véritables entreprises de l'humanitaire?
(2) C'est Ariel qui parle ici à la première personne. Peut-être le soleil lui a-t'il tapé sur le crâne....
ça fait moins rêver.....A.Jacquard avait raison: le problème de notre planète est probablement l'être humain.....
Rédigé par : Jean | 12 août 2014 à 13:54