Le souvenir des merveilles du seño Agostini nous conduit à l'entrée de l'Estero Peel et de ses ramifications multiples orientées vers le Campo de Hielo (1). Nous espérons voir encore quelques glaciers maritimes de près, de très près, nous espérons même passer une ou deux nuits dans une caleta qui fait face au Ventisquero (glacier) Amalia. Mais nous devons nous arrêter bien avant d'y parvenir, face à un front de blocs de glace soudés entre eux par la mer gelée. Nous tenterons de briser le film de glace en cherchant le chemin le moins encombré, espérant trouver plus loin de l'eau libre de nouveau mais non. Lorsque le frottement s'intensifie et que l'avancée ne se fait qu'au prix d'un effort moteur plus vigoureux, nous préférons ne pas pousser notre chance trop loin, ne pas prendre pas le risque de nous faire enfermer. C'est l'automne, les glaciers de l'Estero Peel ont déchargé des tas de petits icebergs qui sont venus s'entasser là et le froid de ces dernières nuits a fait le reste en figeant le tout. Est-ce déjà là la prise de glace de l'hiver (2) ? Ce « pack » est-il destiné à fondre ou se disloquer dans les jours qui viennent ? Nous savons si peu de choses sur ces questions. Qu'importe, c'est si beau !
La météo clémente nous permet de séjourner longuement au milieu de ces paysages splendides. Deux jours de contemplation le nez en l'air et deux jours d'expérimentation le regard fixé sur la surface où nous évoluons. Pour la voir craquer en écoutant son bruissement, pour voir des plaques entières s'écarter à notre passage et se refermer sur notre sillage, pour admirer les cristaux miraculeux qui se sont formés pendant la nuit à la surface des morceaux de mini-banquise. Nous apprenons à distinguer les nuances de blanc qui signalent des épaisseurs et des duretés de couche variables et commençons à comprendre comment Skol se comporte là-dedans. Ça pourrait servir plus tard, peut-être. En attendant c'est un vrai régal.
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Immense calotte glaciaire de sept cent kilomètres de long du nord au sud qui chapeaute l'extrémité patagone de la Cordillère des Andes. La navigation dans les canaux n'est pas une longue contemplation de cet interminable manteau blanc car les contreforts entre lesquels les canaux s'étirent et la couverture nuageuse souvent dense et basse masquent la vue du glacier la plupart du temps. Il faut attendre les percées vers l'est, vallée profonde ou seño latéral pour l'apercevoir quelques minutes en passant, si le temps est suffisamment dégagé. De temps en temps, le seño latéral est profond et s'engage résolument vers la glace, jusqu'à l'endroit où une langue du glacier vient se déverser dans l'eau.
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La caleta la plus avancée dans l'estero Peel où nous avons passé deux jours était encombrée de glaces dérivantes et la surface de l'eau autour de Skol gelait la nuit.
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