Voilà des semaines que le baromètre n'est pas descendu au-dessous de 1015 hPa et que le temps oscille donc entre beau, calme, légèrement couvert, lumineux et brumeux tranquille avec parfois une légère brise. Nous ne cessons de nous dire que la « fenêtre météo » va bientôt se refermer, pour découvrir ensuite que la nature nous accorde un nouveau sursis.
Ainsi découvrons-nous une Patagonie que nous n'imaginions pas. Une Patagonie sans la fureur des tempêtes qui nous coinçaient à l'abri des caletas fuégiennes, sans la pluie perpétuelle qui noyait nos journées dans le Canal Smyth, sans la menace récurrente des changements brutaux du vent, menace à laquelle nous avions tout de même du mal à nous accoutumer. Nos critères de sélection des abris où faire escale quelques jours évoluent. La meilleure protection contre le mauvais temps étant souvent un amarrage très proche des arbres dans une anfractuosité encaissée, donc à l'ombre, nous recherchons maintenant au contraire des caletas ouvertes et ensoleillées. Nos habitudes d'amarrage elles-mêmes se simplifient à l'extrême.
Les habitants de Puerto Eden nous diront plus tard que ces conditions sont inhabituelles, nous apprendrons aussi que le phénomène El Niño pourrait être en cause, mais en réalité, tout cela a une explication simple. Avant de partir de Puerto Natales, nous avons fait l'acquisition d'un livre dans lequel Ariel a trouvé, en cherchant bien, les noms des esprits de la nature de cette région du monde. Depuis, il leur parle tous les jours (1). Il salue Pincoy et Pincoya à chaque fois que des dauphins viennent jouer dans notre étrave, invoque Fürüfühué, pour solliciter ses bonnes grâces et remercie Millalonco, maître des eaux comme un Poseïdon local, pour chaque journée paisible.
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Non, la solitude extrême dans cette région aux reliefs fantasmatiques ne lui a pas tourné la tête. Déjà, en Europe, il faisait des libations, parfois infructueuses, aux dieux antiques.
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