Par un de ces arrangements dont Ariel a le secret, nous avons eu la chance d'amarrer Skol cet hiver ailleurs que là où nous étions l'hiver précédent. Beaucoup plus proche de la ville, notamment. L'an dernier il nous fallait marcher cinq kilomètres dans la campagne pour atteindre la route où circulent les bus et payer une fortune en taxi-retour les soirs de fête, ou les jours de tempête. Cette année, il a certes fallu apprivoiser les quatre chiens du propriétaire pour qu'ils ne menacent plus de nous dévorer et aujourd'hui encore nous leur consacrons systématiquement quelques minutes de câlin à chacun de nos passages par le jardin, mais une fois cette sympathique formalité accomplie, la première station de bus est à cinq minutes de marche. L'atelier de menuiserie qui héberge notre tentative de fabriquer de nos propres mains une réplique de Banana est tout proche, sur les hauteurs, quinze minutes de grimpette plus loin.
Tout n'a pas été idyllique dès le début, car, outre le fait que nous étions sous le choc du vol de l'annexe et préoccupés de notre situation migratoire, entre l'état délabré du petit ponton, sa position dans l'Estero de Castro et sa destination professionnelle, rien n'en faisaient un lieu idéalement adapté à la vie à bord, nous l'avons vite constaté. Les vents du nord qui s'engouffrent entre les rives de l'Estero en y trouvant un terrain d'accélération provoquent un clapot impressionnant sur lequel la structure flottante légère à laquelle nous nous accrochons se contente de se tordre comme un serpent sans parvenir à le briser ce qui nous fait passer régulièrement des nuits blanches. Il fallait et il faut encore partager les rares points d'amarrage et l'unique prise électrique de fortune avec les bateaux de l'entreprise qui défilent, stationnant plus ou moins longtemps en pause chantier ou en changement d'équipage. La plupart des passerelles ont été remplacées dans les premières semaines de notre séjour mais les vieilles étaient rafistolées de tôle rouillée menaçant de rompre sous notre poids, et à certaines heures de la marée, on ne passait pas à pied sec tant elles avaient perdu de flotteurs.
Maintenant ça va mieux, tout à fait bien, même. Il suffit de rester à bord les jours de tempête du nord, pour surveiller les amarres. De toutes façons, ces jours-là, la circulation sur le ponton est si mouvementée et vaporisée qu'elle devient imprudente. Pour parfaire l'idée du confort bourgeois retrouvé provisoirement, nous avons même investi dans un radiateur céramique qui complète le poêle à la perfection quand il gèle dehors. Ce petit appoint électrique nous accorde une trêve bienvenue dans la guerre des gouttes à laquelle nos travaux d'isolation de l'an dernier, pourtant complétés encore cette année, n'ont pas tout à fait mis fin. Dommage que l'hiver cette année soit si rigoureux, le plus tempétueux et pluvieux depuis trente ans, disent certains vieux habitants de Chiloé. Le temps passe tout de même assez vite, tant nous sommes occupés par différents projets et de nouvelles rencontres. Nous déplorons malgré tout l'éclatement du groupe de Latino-Jazz Trifulka à la fin de l'été, juste avant notre retour dans ces eaux. L'ami Rolando est reparti à Santiago emportant avec lui sa voix de velours et son grain de folie. Ce petit drame local laisse endeuillés tous les fans du groupe, dont nous faisions partie, et ralentit notablement la fréquence de nos soirées prolongées jusqu'au petit matin. La musique du nouveau groupe qui tente de se reformer sur les décombres de Trifulka peine à atteindre la magie qui nous faisait danser jusqu'au point du jour (1).
Comme à son habitude, Ariel se délecte de ses liens de bon voisinage avec la gent ailée du quartier, mouettes à tête noire (2), cormorans de trois espèces différentes, bande de grands pélicans, familles de cygnes à col noir, couple de canards, martin pêcheur et héron solitaires. Ces compagnons-là reviennent aux alentours du ponton dès que l'agitation des travaux s’apaise, lorsque le navire repeint à neuf, ressoudé à cœur, ravitaillé de frais s'éloigne avec son nouvel équipage. Mon homme passe des heures à observer nos petits voisins, leurs mœurs, leurs rythmes alimentaires. Il suit même de près le rétablissement d'un goéland blessé à la patte. Il se réjouit moins des vautours qui ont la sale manie de tenter de se percher en tête de mat, au risque de détériorer nos instruments et antennes.
En quelques semaines, nous avons fait ami-ami avec les oiseaux, les chiens, les équipages et les ouvriers. On a même réussi à trouver des sujets de causerie avec le jardinier (le temps qu'il fait, l'ail géant qui pousse) et la femme de ménage (les petits de la chienne Bela qui sont si mignons). Ceux que nous n'avons pas réussi à apprivoiser, curieusement, ce sont les propriétaires eux-mêmes, ceux-là mêmes grâce à la générosité desquels nous sommes là, en sécurité. Don Esteban, entrepreneur, est celui qui a dit tout de suite « oui » lorsqu'on lui a fait la demande par téléphone pour quatre mois de séjour et qui n'est jamais revenu sur son accord, malgré le fait qu'il manque parfois de place pour ses propres bateaux. Son épouse Cristina, pharmacienne, est tout à fait charmante elle aussi. Malheureusement, bien que nous traversions leur jardin presque tous les jours, nous les croisons très rarement et ne consacrons alors guère plus de quelques minutes à des échanges civilisé mais qui restent distants. Parviendrons-nous, d'ici à notre départ, à convenir d'une date pour partager un repas maintes fois promis ? Sinon, nous chercherons une autre manière de leur montrer notre reconnaissance.
- Ceux qui nous font danser maintenant, presque tous les jours, sont les patrouilleurs de l'Armada dont la vague d'étrave balaie le plan d'eau sans merci. 20 noeuds de vitesse, ça pousse de l'eau. Quand passe la patrouillera, toute activité cesse à bord, chacun s'agrippe à son verre ou à tout objet qui pourrait valser et balance le buste en cadence, le temps qu'il faut...
-
Cette espèce de mouette s'appelle « chilo » en dialecte Williche et a donné son nom à l'ile chilo-we , we étant le lieu. Chilwe, ou chilo-we l'île des mouettes, est devenue Chiloé. Mais il y a encore quelques traditionalistes pour faire perdurer l'orthographe initiale.
Salut les amis,
vous avez probablement du commencer à faire des recherches, je donne quand ici quelques liens au cas où ça vous servirait et que vous ne les auriez pas trouvés (pas sur ça, mais bon):
http://forum.woodenboat.com/showthread.php?211713-Fliptail-7-Folding-Dinghy-Build
Vidéo sur la construction du "folding dinguy" (couper le son, la musique est ennuyeuse...):
https://www.youtube.com/watch?v=ZX6OrS9gkpE
Petit site sur la fabrication étape par étape:
http://www.mikenchell.com/zephyr/barquito%20folding%20boat%20l.htm
Et puis comme Isa connais les polymères ici une fabrication à base de polypropylene:
http://www.instructables.com/id/Construction-folding-boats-from-polypropylene-shee/
Ce que j'aimerais faire ça avec vous, aaaaaarg !
Michel
Rédigé par : Michel Fromm | 07 septembre 2017 à 16:03
@ Mitch : Il était temps que tu te réveilles ! Les bois et toile , on avait trouvé en effet, mais trop fragile. Les autres, trop lourds en poids final. Le type qui a fait le sien en polypropylène, bingo, voilà ce qu'on aurait aimé avoir ... il y a trois mois !!! La suite de l'aventure bientôt en ligne. ;-)
Rédigé par : isabelle | 07 septembre 2017 à 19:21
ah merdouille, vous me voyez désolé et puis, si ça se trouve ce sera un coup d'essai, vous vendez le prototype une fois la version 2.0 en polymère terminée (le premier permet de payer le deuxième !). Je vais suivre de prêt tout ça car comme dit, c'est le genre d'activité qui me botte sérieusement.
Bises à vous deux.
Rédigé par : Michel Fromm | 08 septembre 2017 à 16:40
Bon, je ne résiste pas à l'envie de vous parler aussi de la version "chip" que je viens de trouver, à base de vieux tonneaux en plastoc:
https://www.youtube.com/watch?v=fmhxx9Im4FU
Lorsque je trouverais d'autres idées, je vous enverrais ça par messagerie...
Schmoutzi
Rédigé par : Michel Fromm | 08 septembre 2017 à 16:55
à Mitch : Trop bien la version “total récup”, dommage qu’elle ne soit pas pliable !
Grâce à toi ce fil de commentaires devient un florilège d’annexes alternatives. Sympa.
Rédigé par : isabelle | 14 septembre 2017 à 19:48