Une terrasse déserte nichée en pleine forêt tropicale, au bout de l'ile. Ni serveur ni client, mais le wifi promis est bien là, ténu. Mouvements furtifs et petits cris. Nous détournons la tête de l'écran où s'affiche la météo en cours de téléchargement et nous les voyons qui nous examinent. Leur minuscule tête chevelue coiffée à la punk qui s'agite et semble nous dévisager, les rend presque humains. Leur queue interminable leur sert de cinquième bras, pour prendre appui sur des branches qui supportent parfois tout juste leur poids, pourtant léger. Ils poussent de petits cris qu'Ariel qualifie d'autoritaires, dans son élan anthropomorphique habituel. Parlent-ils entre eux pour commenter notre présence, ou nous réclament-ils un peu d'attention ? Ou de la nourriture ? On a déjà eu l'occasion d'en voir, depuis deux mois, en ville ou sous les toits d'une pousada (1). Mais cette fois-ci, c'est comme s'ils étaient venus rien que pour nous, rien que pour nous dire au revoir. Après de longues minutes passées avec eux dans la pénombre de la forêt dense, nos pas reprennent le sentier escarpé vers la plage où nous attend Banana pour un dernier retour à bord, dans les rafales du front qui passe. Pas légers, cœurs joyeux, impression que le Brésil nous a fait là un dernier cadeau. Il se pourrait qu'on revienne dans le coin, lorsque notre soif de vie dure sera un peu apaisée.
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J'avoue avoir cédé à la tentation de leur proposer un morceau de banane du bout des doigts pour les faire grimper sur mon bras, comme l'aubergiste nous encourageait à faire. Ariel s'y refuse à cause de la dépendance à l'homme que cette pratique provoque, amenuisant la capacité de ces animaux sauvages à chercher eux-mêmes leur nourriture, génération après génération.
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