Mes opérations de semis continuent et me voilà finalement plongée dans la matérialité de la planification alimentaire. Si je sème ça maintenant, comment cela va-t’il occuper l’espace et quand sera la récolte ? Ou bien, dans l’autre sens: quand semer quoi ? Chaque opération individuelle est fort simple : mettre des graines dans le terreau et tenir le terreau humide (1). Sauf que c’est la première fois que je sème autant de trucs différents, qui ont chacun un cycle singulier et ça commence à se chevaucher gentiment, tout ça. Limite débordée, la meuf. J’adore.
Les gens de ville, dont je faisais partie avant, ne mesurent pas tout ce qu’implique le fait d’avoir la nourriture disponible tous les jours à l’étal le plus proche (2). C’est dans ma vie de mer de cinq années que j’ai commencé à comprendre. Quand il s’agissait de trouver en l’espace de quelques jours de quoi remplir les soutes pour trois mois d’isolement, dans une petite ville du bout du monde, elle-même irrégulièrement approvisionnée. Là on visualise bien ce qu’on doit aux personnes qui se sont occupées de produire à manger pour autrui.
Pour le moment, j'en suis au stade de découvrir et articuler les parcours culturaux, sans me compliquer trop la tâche avec les volumes de production, mais une part de moi fait déjà des petits calculs préliminaires en arrière-plan mine de rien. Les gens de terre, celleux qui cultivent leur potager depuis des années, maitrisent tranquillement cet exercice. Moi j'apprends. Et au fait? Quelle proportion de la population française sait que pour avoir des courgettes en juillet il a fallu les semer au printemps ?
Deux fils de pensée courent le long de mes petits gestes accumulés au fil des jours. Le premier fil tournicote avec la nécessité de réintroduire ces gestes et ce savoir-planifier-la-nourriture dans l’éducation pour tous, comme savoir de base. Le second brin virevolte au-dessus de la place respective des plantes annuelles et pérennes dans notre production et consommation alimentaire, aperçu des différences considérables entre leurs cycles, leur productivité et la quantité de travail qu’elles requièrent.
C’est une époque correcte pour songer à ces petites subtilités, non ?
- Après, comme dit ma nièce qui se lance à peine dans la « space-agriculture », c’est juste une question de patience.
- La propension d'homo economicus à considérer comme allant de soi la disponibilité des produits à l'étal le plus proche dépasse largement le champ des aliments. Mais l'époque actuelle a le mérite de nous recentrer justement sur ce sujet d'importance stratégique.
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