Expérience cet hiver: 3 semaines en charge de la Ferme de Yann, pendant qu’il partait en vacances longues. Intéressant. Je craignais que la responsabilité de la récolte hebdomadaire pour préparer les paniers serait lourde, elle ne l’a pas été. Je pensais que les routines quotidiennes de soins aux animaux seraient l’occasion de passer du temps avec eux, mais ça n’a pas été le cas. Alors que je dérivais des heures durant, à contempler et recompter mes jeunes arbres, boutures et marcottes, dans les espaces-pépinière que Yann m’a ouverts depuis un an, je consacrais à peine plus que le temps strictement utile dans les enclos des animaux. Nourrir, abreuver, pailler la litière, curer les pieds, examiner chacun marcher pour m’assurer de l’absence de problème, compter les petits agneaux tant qu’il en restait à naître, au revoir. Quelques fois seulement j’ai pris un moment pour dialoguer gestuellement avec Zoumaï, le cheval, qui pourtant était ouvert à ce genre d’échange et curieux de moi. Quand je me mettais en posture invitante, il venait me renifler et nous avions un instant de côtoiement des têtes et des épaules qu’un-e amoureux-se des animaux aurait certainement savouré encore plus intensément que moi.
En vérité, je me suis plus souvent entendue bougonner qu’ils étaient bien tranquilles à attendre leur bouffe et leur eau pendant que je me caillais à manier le tuyau gelé, le grain, le foin. D'un autre coté, je me sentais triste de les voir dans un espace de vie restreint, bien en deçà de leurs besoins, sauf les canards aux ailes mal épointées qui pouvaient s’échapper et revenaient juste pour la bouffe. C’est pour ça que j’ai si vite libéré les brebis et leurs petits du petit enclos d’agnelage : qu’ils aillent gambader et brouter dans la prairie! Pour les équidés, je ne pouvais rien faire et je n’ai pas aimé cela. Non que je conteste le choix de les faire hiverner dans un enclos plus proche de la maison afin surtout d’épargner la prairie de leur piétinement, mais bon, il y a des choix qui en entraînent d’autres. Donc pour ma part, je ne me lancerai pas dans l’élevage. Trop de charge mentale, trop de responsabilité quotidienne à mon goût. Et trop d’arbitrages désagréables à prendre. Sans compter l’abattage au final. Je n'ai pas d'objection à ce que des membres des collectifs dans lesquels je m'engage décident d'avoir des animaux, pour la traction, pour les œufs, la laine, et même la viande. Juste c'est pas mon truc, pour le moment.
La conduite des plantes est tellement plus légère à mon âme ! On fait des essais. Le succès ou l’échec de ces essais a parfois de l’importance, comme de préserver ou perdre une souche génétique particulière , mais la plupart du temps, l’enjeu est faible, en tout cas actuellement, pendant mes années d’apprentissage et de construction de mes collections. La lenteur des processus végétaux ne me frustre pas, rappel bienvenu et permanent que nous œuvrons sur le temps long. Mes temps libres de ces trois semaines ont été délicieusement consacrés au règne végétal. Implantation d’une haie très particulière, composée de plants d’arbres, arbustes et herbacées dont la fonction essentielle sera de fournir du matériel botanique pour la multiplication : boutures , marcottes, greffons, racines, rejets. C’est un bout de ma collection que j’ai installée en pleine terre, soigneusement étiquetée et notée dans mes carnets. Organisation des semis d’arbres de l’année, mise au frais des graines d’arbres qui ont besoin que quelques semaines ou mois d’hivernage, mise au chaud de celles qui ne germeront qu’après cette étape, sélection des autres par période et température de semi recommandé, achats complémentaires de graines d’arbres, espèces particulières de chênes et de pacaniers, akébies et passiflores, et bien d’autres. Prélèvement de greffons sur les fruitiers des alentours aux productions reconnues comme savoureuses, que leur nom soit connu ou pas. Pomme de grand-mère, mirabelle de Caro, poire conférence, les pousses de l’année, rassemblées en fagots, eux aussi soigneusement étiquetés et entreposés au frigo dans la grange, jusqu’au printemps. La joie me confirme que j’ai bien trouvé ma voie.
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