Étrangement, en ce début d’année, malgré les cahots sanitaires, les contresens économiques et les inquiétudes climatiques, je me trouve dans un état relativement apaisé. L’année 2021, touts comptes faits, a été bénéfique pour moi sur de multiples plans et j’en ressens gratitude.
La page de mon couple fracassé sur le rivage en 2019 a été tournée. Une clôture raisonnable a surgi de méandres préjudiciaires désagréables et apparemment vains, mais finalement conclusifs, après coup, par le biais d’un lâché-prise bilatéral, le long d’une ligne de non-négociable. Cette étape ayant fait échouer la propriété du bateau entre mes mains, il a été possible de m’en occuper correctement et la valeur intrinsèque de mon Skol aimé et aimant a fait le reste. La joie de l’avoir transmis, et pas seulement vendu, de le savoir dans de bonnes mains, aimé, choyé, est une de mes plus belles récompenses de l’année qui vient de s’achever. Ce bateau représente une tranche de vie et d’aventures extraordinaires de presque quinze ans, je voulais que ça se termine bien entre nous.
Mes aspirations à la vie communautaire ont été gratifiées de quelques belles avancées. L’alliance avec le groupe limousin s’est solidifiée au fil des rencontres, à travers les travaux intellectuels, agricoles et autoconstructifs. C’est dans l’action concrète qu’on pétrit et intègre ce que le collectif entend derrière les mots d’une « charte » bien intentionnée. Et l’on vérifie, mois après mois, que la matière qui émerge des interactions nous convient toujours. Oui, je peux faire avec moins de radicalité que ce que j’imaginais au début. Non, je n’ai pas besoin d’être amie intime avec chaque membre du groupe. Tant que les processus de domination sont reconnus comme indésirables, je suis souple. L’année 2021 nous a vus mettre en place une architecture juridico-financière magnifique, détournement d’instruments du système capitaliste pour produire du commun, hors spéculation, à l’abri des cupidités, pour les générations futures. J'y reviendrai. Et la pratique du consentement, cette manière de décider qui prend les objections comme des cadeaux permettant d'avancer et non comme des obstacles, se fait plus aisée, plus fluide.
Mais le pays limousin ne me suffit toujours pas et l'idée d'un engagement exclusif me terrorise encore. J’ai donc poursuivi ma recherche d’un autre collectif, en Morbihan celui-ci. Il a été question de le fonder, avec ma sœur, avec un groupe élargi, il a été question de fonder un groupe avec des inconnus pour chercher un lieu, puis il a été question d’intégrer un groupe-lieu radical, fondé il y a plus de dix ans et en recherche d’un nouvel élan. Chacune de ces pistes m’a fait vibrer et m’interroger. Dans chaque voie je découvrais des sensibilités en moi que je n’avais pas encore repérées et chaque option subissait la difficile comparaison avec l’aventure limousine ; il fallait que ça soit au moins aussi bien. Ma quête semble s’achever sur une équation parfaite, un lieu, un projet et une situation humaine comme j’en rêvais. Bien entendu rien n’est garanti, il reste à vraiment faire connaissance, dans l’action, mois après mois. A cheval sur les deux régions, avec l'accord des deux groupes.
Du coté de l’agriculture, je ne compte plus mes apprentissages et découvertes, mes rencontres et projets, en production végétale, mais aussi dans quelques activités périphériques, jusqu'à ne plus savoir où donner de la tête! Ma moisson 2021 de savoirs et de pratiques est fabuleuse. Légumes, fruits, grains, fibres. Production, récolte, stockage, transformation. Tout le spectre m’intéresse. En 2022, il faudra prioriser, doser, choisir où investir, où m’investir pour générer un revenu, et où chercher juste un apprentissage, une familiarité suffisante pour l’autoproduction, sans visée professionnelle. Mon respect pour ceux qui font la nourriture - ceux qui la cultivent et ceux qui l’élèvent - ne cesse de grandir. Et je suis fière de bientôt faire partie, moi aussi, de cette sorte d’humains.
Avec tout ça, j’ai tiré un peu fort sur les cordages pendant de longs mois, à brasser tant de complexité, à jongler avec tant d’activités aux rythmes asynchrones, à louvoyer entre des lieux de séjours qui n’étaient jamais des lieux de vie. Et je n’ai plus vingt ans. Ma santé va bien dans l’ensemble, mais mon âme a soif de plus de délicatesse. Les conditions semblent-elles réunies pour rendre cela possible ?
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