Depuis quelques années, je suis le siège de deux mutations contemporaines l'une de l'autre. La première, il me semble, est une forme d'élévation de ma pensée, d'ennoblissement de mon rapport au monde. Je tente de donner une forme observable, énonçable, à ma quête du sens de ma vie. Pour cela, je prends du temps pour penser, lire, écrire, partager, à propos de l'état de la planète et de la santé des sociétés qui la peuplent. Ça semble grandiose ainsi formulé et ça l'est sans doute, peu m'importe. J'ai besoin de me sentir participant à un grand mouvement de l'humanité de mon époque, celui de la prise de conscience des limites du mode de vie occidental. L'autre mutation, ironiquement, se fait de manière indépendante de ma volonté et pourrait ressembler à un mouvement vers le bas. Au moment de ma vie où je m'engage vis-à-vis de la planète entière, rien que ça, mon corps me ramène à moi-même. Je vieillis. Diverses manifestations relativement discrètes toquent à la porte pour attirer mon attention sur le fait que la longue période où le bon fonctionnement de mon corps allait de soi est en train de prendre fin. Blanchissement des cheveux et densification des rides ne sont que des signaux extérieurs mineurs, presque exclusivement esthétiques. Les instabilités hormonales de la ménopause ont apporté des épisodes de chamboulement émotionnel flagrants et un amoindrissement plus durable de ma force musculaire que je peine encore à nommer clairement mais que je peux également accepter. Mais c'est ma dentition qui m'envoie depuis six mois le message le plus confrontant. De multiples mini-abcès récurrents me rappellent que je suis faite de matière putrescible ce qui me fait toucher du doigt mon inéluctable mortalité.
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