Il y a quelques jours, à Rangarnaud, dix-sept pages de Statuts, dix-huit pages de Pacte d’Associé-es, sept pages de Règlement Intérieur, et trois pages de PV d’Assemblée Constitutive ont été signées par sept personnes dans la joie d’une fin de négociation réussie à la satisfaction de toutes et tous et le soulagement d’avoir résolu les dernières équations juridiques. La personne morale qui vient d’être créée après un an de gestation est magnifique. Ses textes sont alignés avec ses intentions, son projet. Nous n’avons rien lâché de notre ambitions de construire une ossature saine et durable, pour les générations à venir.
Voilà comment elle s’articule, cette merveille !:
SAS Coopérative à capital variable-et-faible (1), elle rassemble des associé-es intéressé-es au projet, pour y vivre pour y travailler, pour y investir ou pour toute autre contribution. Sa mission principale est d’acheter le bien foncier, de réhabiliter les bâtiments à vocation habitat et travail et de louer ces locaux, de prendre soin des terres et d’y produire une partie des besoins des résidents et de quoi échanger avec l'extérieur. Cette mission est encadrée par une charte précisant les objectifs écologiques et humains du projet.
Du coté des gros sous. Les associé-es investissent initialement mille euros pour marquer leur désir d’engagement avec les autres associé-es, l’affectio societatis. Celles et ceux qui le peuvent apportent en complément des fonds qui ne figureront pas au capital, mais aux Comptes Courants d’Associé-es et seront récupérables. Ces apports complémentaires constituent le mode principal de financement du projet, même si l’emprunt extérieur n’est pas exclu. Pour le moment, l’emprunt bancaire n’est pas nécessaire car Patrick est à la fois le propriétaire actuel du bien foncier mais aussi membre essentiel du projet, et il n’exige pas que le montant de l’achat lui soit versé tout de suite, merci à lui pour la tranquillité économique que cela donne à l’ensemble. Les travaux seront réalisés par tranche avec une vision d’ensemble approximative, adaptable aux besoins des futurs entrants au projet. Pour tranquilliser tout le monde, les clauses de remboursement des Comptes Courants d’Associé-es ont déjà été finement négociées pour à la fois permettre réellement le départ de quiconque souhaiterait mais ne pas mettre en danger le projet, dans la mesure du possible. Une partie des redevances d’occupation sera également récupérable en cas de départ (2). Bien entendu, la SAS tiendra ses comptes annuels et multiannuels selon les règles et devra les équilibrer en toute transparence.
Le principe juridique de toute coopérative est que chaque personne détient une voix quel que soit le montant de son engagement financier (3). Mais cette coopérative-là a décidé d’être, en plus, à vocation non lucrative et non spéculative. Les apports financiers ne seront pas rémunérés, le bénéfice éventuel d’un exercice ne sera jamais distribué sous forme de dividende. La plus-value éventuelle ne sera pas distribuable au-delà du remboursement des apports initiaux, ce qui évacue d’emblée toute tentation cupide. Les bénéfices, bien réels mais non financiers, que nous titrerons de l’aventure seront de vivre, justement, une aventure humaine passionnante, d’œuvrer pour un monde décarboné et respectueux des écosystèmes, d’avancer sur le chemin de l’émancipation du capitalisme et de transmettre aux suivant-es (4) une base solide pour continuer dans cette voie.
L’attribution des rôles nécessaires au fonctionnement se fait pour le moment par « Élection sans candidat » mais d’autres modes de désignation seront peut-être testés plus tard.
Je suis particulièrement joyeuse et fière d’avoir contribué à mettre au monde cette personne morale, car elle répond à mon aspiration à contribuer au Monde d’Après, à livrer quelque chose de mieux à la génération suivante que ce dont j’ai hérité, dans un petit domaine au moins. Quand nous plantons des érables à sucre ou des noyers, je dis souvent « c’est pour Juliette », voire, « pour les enfants de Juliette », la plus jeune du groupe actuellement.
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SAS pour Société par Actions Simplifiées, Coopérative pour une gouvernance égalitaire, et à Capital Variable pour anticiper les entrées et sorties. La capital faible et variable permet la meilleure fluidité possible des entrées et sorties. Il était essentiel pour tout le monde, lors de la réflexion, que la sortie soit possible sans douleurs inutiles et que les modalités de sortie soient connues de toustes dès le moment de l’entrée.
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C’est un mécanisme intelligent qui étale l’apurement du coût total sur plusieurs générations de résident-es, à l’encontre des habitudes françaises d’apurer le coût du foncier sur une seule génération. Car une maison bien construite est faite pour durer 100 ans ou plus, et une terre peut se dégrader par surexploitation ou bien s’agrader par bien traitance et plantations intelligentes.
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En fait, les modalités de prise de décision seront aussi rarement que possible par le vote. Nous apprenons ensemble, progressivement, les méandres de la Gestion par Consentement, qui prend en compte toute parole comme une contribution et laisse émerger de la polyphonie des paroles un centrage qui apparaît à tous et ne vient pas d’une personne ou d’un clan. Évidemment, cela nécessite un peu de discipline et nous dérapons encore souvent sur nos réflexes. Mais l’idée est aussi de nous accepter, toustes et chacun-e, « en apprentissage ». En cas d’échec de la démarche par consentement, et si une décision doit absolument être prise, on procèdera au vote. Les associé-es sont réparti-es entre deux collèges : les titulaires d’un contrat coopératif (logement ou autre rapport contractualisé au lieu) forment le collège A, détenteur d’un pouvoir majoritaire quel que soit le nombre des autres associés. Les apporteureuses d’aide et d’argent sans contrat coopératif (sans engagement autre que l’argent ou bien sans engagement d’aide dans la durée) forment le collège B, minoritaire en cas de vote. Au sein de chaque collège, une personne détient une voix.
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J’adore cette idée des suivants ! Qu’ils soient nos enfants, les enfants des autres ou simplement les associé-es qui entreront plus tard dans le projet, quand nous aurons envie de quitter cette aventura-là pour une autre. Les collectifs de vie sont à composition changeante, car les trajectoires individuelles vivent des aléas, rencontres amoureuses, envie de changer de région, de climat, de métier, qui peuvent entraîner des déménagements, outre les éventuelles difficultés humaines qui ne manqueront pas de survenir avec chacun-e son seuil de sensibilité et ses limites.
bravo! quelle heureuse nouvelle! je pâtine sur mon projet parce que les contours en restent flous. et qu'avec le COVID, j'ai pris du retard. Et comme j'ai besoin de liberté, j'ai du mal à faire rentrer mon projet dans des cases!
bref, le chemin compte aussi...Patricia
Rédigé par : patricia | 04/05/2022 à 13:22
@ Patricia : retard, retard ? On parle de transition de vie, là, il me semble, pas d'un rendez vous avec un banquier ! Peut-être que le covid, en ralentissant des choses, nous a obligé-es à réfléchir plus ?
sur le besoin de liberté, je te rejoints.
Rédigé par : isabelle | 04/05/2022 à 19:46