Avez vous remarqué comment certaines tâches, certains projets, semblent absolument insurmontables à l’heure de s’y atteler ? Et puis, pas après pas, micro-action après micro-action, petit à petit, on progresse, on avance.
Le plus frappant exemple que j’aie vécu de ce mécanisme est la traversée d’un océan. Les premiers jours, en plaçant le point quotidien sur la carte, on a vraiment l’impression qu’on n’y arrivera pas en un siècle. Et puis, du fait qu’on avance quasiment chaque heure du jour et de la nuit, à la vitesse d’un vélo lent, ben on finit par voir le trait bouger. Un jour on se retrouve au milieu de l’océan, on a pris le rythme, on s’en fout un peu de où on est exactement, on ne doute plus trop qu’on arrivera de l’autre coté.
J’ai découvert que ce phénomène se produit également souvent en agriculture, du moins l’agriculture non mécanisée. Je me souviens de la première fois que je me suis trouvée face à six mille poireaux à planter. A la main. Un par un. Je ne voulais pas voir le bout du rang, ça me démoralisait. Et puis, bon an, mal an, la caisse s’est allégée et on en a vu le bout, après quelques heures d’insolation et pas mal de bavardages, une fois que les gestes sont passés en mode automatique.
Dans le domaine du bâtiment, idem. Ici aussi , évidemment je parle du bâtiment pas trop mécanisé. La mécanisation, en agriculture et en bâtiment, efface un peu cette impression, je trouve, car elle donne une prévisibilité à la tâche qui permet de se dire qu’à telle heure on aura fini. Ce qui n’est pas le cas en manuel, surtout quand on débute.
Tout ça pour dire que j’ai adoré plaquer à la main, poignée après poignée, le mélange terre-chanvre destiné à isoler (raisonnablement) une grande salle commune du collectif La Ronce. C’est un petit chantier participatif que Caro a voulu « entre meufs » (1). Il fallait poser six centimètres d’épaisseur au total. Si on tentait cette épaisseur en une seule couche, ça retombait au sol. Donc deux passes pour celles d’entre nous qui avaient le coup de main et trois, voire quatre passes pour les débutantes, qui ont défilé sur le chantier. J'avais pleinement confiance en l'effet cumulatif du nombre et du temps et envie que ça soit doux pour chacune d'entre nous, mais c'est vrai que c'est lent...
Un ancien chef de mon ancienne vie de citadine salariée me disait régulièrement que les éléphants, il fallait les manger par petites bouchées, une à la fois. Ce conseil amusant me revient en mémoire à chaque fois que j’entame une de ces aventures à l’achèvement incertain en apparence.
- La question de la mixité choisie mériterait une note séparée, non ?
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