Ce matin, avant même d’aller arroser la pépinière comme tous les matins quand il n’a pas plu pendant la nuit, je suis allée chercher quelques épis de sorgho dans la grange, ces bouquets que j’avais mis à sécher à l’automne dernier et que je n’ai jamais trouvé le temps d’égrener. Il y a des choses, comme ça, que je voudrais faire mais qui n’ont pas une priorité élevée et qui traînent, et finalement disparaissent du radar des « choses à faire ». Pourtant, j’avais chiné dans les brocantes et trouvé un mortier et un pilon africains, de ceux qu’on manie debout à deux bras, dans l’idée de pilonner le sorgho et d’essayer un usage en cuisine. Il y a encore un long chemin avant que cette espèce de céréale n'entre dans mon alimentation quotidienne ... je n'ai aucune idée des recettes ! Bon, le mortier est là, si c’est pas pour la récolte dernière, ça sera pour la prochaine.
En attendant cette récolte hypothétique, je me retrouve avec mon café fumant et un podcast dans les oreilles à égrener les deux variétés de sorgho que j’ai cultivées l’été dernier, en plus de la "piper" habituelle de mes couverts végétaux. Je trouve des différences notables à la facilité d’égrenage. Les graines du « bicolor » ne se détachent pas bien, encore moins bien que celles du « piper » que je cultive depuis trois ou quatre ans. Les graines du « noir », en revanche, se détachent facilement quand je masse les épis entre deux mains. Je suis un peu étonnée de cette facilité car il ne m’avait pas semblé, à la récolte, que ça allait être le cas. Une bonne surprise, d’autant plus que ce sorgho est particulièrement productif en poids de grain pour chaque épi. C’est ainsi, en effectuant les opérations à la main, que mon corps enregistre les propriétés spécifiques des espèces et variétés de ma collection grandissante, et les intègre, physiquement. Olivier me demandait hier si je prenais des notes de toutes ces observations et en fait j’en prend de moins en moins, car j’ai de plus en plus confiance dans l’arborescence des savoirs que j’intègre, année après année, mettant en lien les comportement des plantes, mes pratiques culturales, la météo, le sol, et mes espérances en cuisine. Il faudrait que j’écrive si j’avais peur d’oublier, mais ce n’est pas le cas, pour le moment. Olivier parlait d’un logiciel de suivi et mon cerveau s’est fermé à cette mention. Je n’ai aucune envie de me contraindre à un logiciel pour ranger mon savoir. Mes petits carnets thématiques et chronologiques me suffisent.
J’ai égrené ce que j’ai pu, plus de noir que de bicolor, dans le même saladier, dans l’intention d’en faire mon premier petit « grex » de sorgho. J’y rajoute quelques poignées du piper de plusieurs années antérieures et je vais au champ. La parcelle que je destinais au sorgho à eu le temps de s’enherber et de s’enliseronner un peu, du fait du retard que j’ai pris en m’absentant dix jours en juin, après la préparation du sol à la houe. Je suis contente d’en être à ce stade de rattrapage du retard. Ce semi-là sera sans doute mon dernier à vocation semencière de la saison. Début juillet, c’est tard pour encore semer, et en plus il va falloir irriguer car le ciel ne promet que quelques millimètres demain soir, insuffisants sur ce sol sec. Mais le sorgho à une bonne réputation, donc je tente le coup. Ensuite, il restera le retard de désherbage à rattraper, avant que le liseron n’envahisse tout.
Un coup de houe dans un sol assez moelleux, pour déloger les herbes, un coup de râteau pour casser les mottes, puis je sème à la volée. Cette année, les pertes au semi direct ont été considérables, jusqu'à 90% sur les quinoas, et 100 % pour l’éleusine, les amaranthes, les pavots. Les oiseaux, les limaces, la sécheresse se sont acharné-es. Ces grosses pertes ne me préoccupent pas outre mesure. C’est normal d’avoir des difficultés dans les premières années d’un sol, quand l’intervention de jardinage bouleverse complètement les équilibres biologiques. Je traite avec beaucoup d’égards les survivant-es de ces conditions difficiles, car leur génétique m’intéresse. Je fais donc un semi très dense en prévision d’une grosse perte potentielle, puis un petit paillage léger et un coup d’aspersion, pour lui donner une chance au démarrage. La pluie d’après-demain prendra le relais et ensuite, je suivrai l’humidité du sol pour évaluer si encore un peu d’arrosage sera nécessaire. Il devrait être levé et installé avant mon départ dans deux semaines.
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