Nous n’imaginons pas ce que l’énergie abondante et pas chère à fait à nos vies humaines. Nous déléguons les tâches de subsistance aux machines ou à des personnes mal payées pour nous investir dans des tâches plus valorisantes ou simplement mieux payées, bien que pas forcément plus utiles à la société (1) .
Le "nous" dans mon écriture est un choix d’ humilité. J’ai moi aussi vécu dans cette logique pendant plus de cinquante ans, et j’y suis encore bien trop souvent. J’ai par exemple récemment choisi d’acheter neuve une pièce pour mon van de 300 000 km au compteur, pièce que j’aurai pu trouver en casse, au prix de quelques heures de coups de fil, visite et démontage. Elle vient probablement de chine, où les conditions de production laissent à désirer socialement et environnementalement, elle est emballée, elle a parcouru des milliers de kilomètres, est arrivée par les mains d’une livreuse mal payée. Bon, au moins, je vais faire la réparation moi-même, dans un atelier associatif.
Reprendre la main sur les conditions de poursuite de notre vie implique d’y mettre plus que la main. C’est tout le corps qu’il faut engager, et du temps. Car quand on reprend la main, on change l’échelle d’exécution des opérations, de l’échelle industrielle à l’échelle artisanale. Or le principe même de l’industrie est de produire beaucoup et vite, justement au moyen de machines souvent grosses et sophistiquées, et d’énergie. Et nous sommes habitué-es à ça. La tentation d’acheter ou de faire faire est donc toujours au coin de la rue, prête à nous séduire.
Mon penchant pour les tâches de subsistance n’est pas qu’une tentative de reprise de pouvoir, un essai d’émancipation des systèmes industriels. J’ai aussi véritablement du goût pour ça. J’y trouve de la joie et du sens, une sensation physique de centrage, d’appui, d’alignement. Je me sens connectée à l’humanité en vrai, autrement que par le biais de la connexion virtuelle des outils électroniques (2). Ca aide a tenir dans la durée.
Mon temps est rempli, surtout à certaines saisons. Au printemps quand il faut planter, à l’automne quand il faut assurer les récoltes de stock. Pendant les saisons plus creuses en tâches agricoles, je case bien évidemment d’autres activités de subsistance , vannerie, bricolage, couture, apprentissage (3) et un peu de maçonnerie en terre crue !
- Lire Graeber au sujet des bullshit jobs
- Lesquels me sont bien utiles pour glaner des informations sur les opérations de subsistance.
- Car contrairement à d’autres, je n’ai pas appris grand-chose de la subsistance jusqu’à ces dernières années. Et il y a tant à comprendre, savoir…...
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