Il y a quelques jours, des amis m’ont rapporté l’étrange rencontre qu’ils avaient faite avec le couple âgé qui leur a vendu leur maison. Monsieur se répandait en histoires sur sa vie, ses souffrances et combien sa femme était insupportable, pendant que la dame en question semblait confirmer les propos par son comportement même : gestes secs, parole peu aimable, routine de fermeture des volets à l’heure habituelle malgré la présence des visiteurs/acheteurs. Une vraie mégère. En entendant ces descriptions, mon cœur s’est pincé, j’ai ressenti une incroyable perplexité et je me suis entendue prononcer doucement quelque chose du genre : il faut faire attention à ne pas juger les mégères trop vite … dans une mégère, il y a souvent une femme longtemps maltraitée.
Notre regard sur les mégères pourrait changer. Actuellement c’est une qualification très négative, mais j’ai envie de la réhabiliter en quelque chose de plus positif. Une mégère c’est souvent une femme qui a été contrainte de prendre des habitudes de lutte ordinaire pour affronter des frustrations et des agressions quotidiennes, pour rendre une violence qui lui est faite dans la durée. C’est possiblement une femme coupée de ses rêves par une vie qui l’a canalisée un peu trop vigoureusement dans un rôle domestique auquel elle n’aspirait pas et dans lequel elle ne recevait, quelle surprise ! aucune reconnaissance. On pourrait la regarder comme une lutteuse isolée et tenace.
Maintenant que j’y songe, j’ai personnellement sans doute mérité le qualificatif de mégère à maintes occasions pendant les deux dernières années de notre voyage – vie de couple. C’était ainsi, je n’avais pas les moyens de faire mieux même si je n’en étais pas fière du tout.
Une femme ne nait pas mégère, elle le devient. C’est un peu comme pour le machisme, un homme ne nait pas machiste, il le devient. Mais l’hypothèse de symétrie serait fallacieuse. L’homme machiste est encouragé dans ce penchant, par l’environnement social et les bénéfices qu’il retire d’un système fait par et pour les hommes. A contrario, aucune mégère n’est encouragée socialement et rien dans la société n’est fait pour lui faciliter la tâche.
Lorsqu’elles parviennent à s’unir, les femmes ne restent pas mégères, elles deviennent militantes ou viragos ! Ou bien elles quittent leurs hommes, lorsque c’est possible, non ?
Alors si nous prenions le temps de nous poser la question : qu’est-ce qu’il a bien pu lui faire pour qu’elle en arrive là ? Ce n'est pas seulement la femme qu’il faut regarder pour essayer de comprendre, il faut aussi tourner le regard vers son vis-à-vis. Et pendant que nous y sommes, nous pourrions poser la même question à l’homme qui décrit sa femme comme une mégère : qu’est-ce que vous lui avez fait, pour qu’elle en arrive là ? Il me semble même que tout homme qui se plaint que sa compagne soit devenue une mégère qu'elle n'était pas quand il l'a rencontrée pourrait se poser la question lui-même.
Qu'est-ce qu'on attend pour oser ?
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