C’est un temps suspendu, accroché d’un coté à l’inquiétude, de l’autre à l’espoir. Il n’y a rien que je puisse faire pour en savoir plus, pour le moment. C’est une attente que beaucoup de gens connaissent, entre le dépistage positif et la biopsie.
Je croyais que mes projets, mes aspirations, mes convictions, étaient importantes. Qu’il était juste de défendre mes idées et mes pratiques. Qu’il était essentiel de toujours progresser, de toujours contribuer. Ces trucs ont pris un coup de mou, déjà, le mois dernier, quand ma fille a failli mourir dans un accident de voiture. En revenant de mon séjour de soutien auprès d’elle je méditais sur ce qui compte vraiment. Ne pas se fâcher, ne pas donner plus d’importance au résultat qu’à la manière. Laisser filer les sources de frustrations. Préserver les relations.
Et maintenant, encore plus. A quoi bon ? A quoi bon s’astreindre à des épreuves, dans une vie qui peut s’interrompre si soudainement ? A quoi bon s’énerver ? A quoi bon s’inquiéter pour des petites choses ? A quoi bon faire attention ? Non. A quoi faire attention. A quoi attacher de l’importance.
Et pourtant.
Désherber les courges pour savoir combien de pieds ont réussi à tirer profit des conditions difficiles que je leur ai infligées, et jubiler d’en trouver autant. Resemer les haricots dans les rangs pillés par les limaces. Je verrai ces courges et ces haricots. Je les mangerai. Rouler trente minutes pour rejoindre un groupe de travail sur la sécurité sociale de l’alimentation. Ce travail se poursuivra même quand je n’y serai plus. Continuer à arroser matin et soir les arbres de la pépinière au cas où je passe l’épreuve. Au cas où.
Chacun de mes gestes a une saveur teintée d’interrogation.
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