Après un mois entier de travail du corps, il est temps de passer aux calculs. Car je n’avais pas mesuré – c’est le cas de le dire – à quel point le maraichage nécessite de jongler avec des chiffres. Je ne suis pas dépaysée, par rapport à la vie dans les canaux de Patagonie! Ni dépaysée ni en difficulté. Les chiffres, ce n’est pas vraiment un truc que j’aime, mais je m’y colle quand il faut et, en principe, je sais être efficace.
La première paire de chiffres que j’ai posée, c’est une dimension de parcelle. 8x35. C’est plus petit que les 10x50 de la ferme dans laquelle je travaille actuellement et justement elles me semblent un peu grandes, eus égards à ma quinquagénarité. En bonne ingénieure que je me souviens d’avoir été dans une vie antérieure, j'ai élu une dimension standard. On trouve des bâches directement à ce format, par exemple. Ce que j’imagine, c’est une construction de ma ferme le plus possible basée sur ces dimensions, pour permettre des rotations, des permutations de matériel ou de cultures sans complications inutiles.
Je vois bien comment, ici, on raisonne en parcelle, en demie-parcelle ou en planches, comme les briques d’un assemblage ou les morceaux d’une mosaïque. Ainsi, mon "maraiche" pourra s’agrandir chaque année d’autant de nouvelles parcelles que j’aurai l’énergie d’endosser, pas plus.
Mes calculs ont cependant une âme et une destination, celle du projet qui se dessine peu à peu, dans les sinuosités entre lesquelles errent ma quête de sens et d’utilité et ma conscience des limitations du réel. Je rêve, j'imagine, d’ici quelques années, de fournir des légumes de manière régulière à la cantine d’une petite école, dont les enfants seraient intégrés comme observateurs-participants, tout au long de l’année. Savoir pour qui je produis, transmettre d’où vient ce qu’ils mangent, se côtoyer et coopérer sur le lieu vivant où la richesse du sol et de l’air est transformée en aliments par la magie du programme génétique des graines et des soins humains ciblés.
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