Soit "a" l'épaisseur du plexi extérieur, "b"
l'épaisseur du plexi intérieur, "c" l'épaisseur de la tôle d'aluminium, "l" la
longueur des vis, et "e" l'épaisseur actuelle des boiseries dans lesquelles les
têtes des vis doivent si possible rester élégamment noyées … bref, on est déjà
perdus …. Comment améliorer l'isolation thermique du
roof sans détériorer l'esthétique intérieure ? Voilà une équation qui nous a
donné du fil à retordre.
Cogitations
Nous avons eu, certes, plus de 6 mois pour
cogiter cette question, mais il nous manquait des données, notamment l'envers du
décor. Ce qui est important pour Ariel, c’est l’esthétique de notre lieu de
vie, et il n’a pas accepté ma suggestion de commencer le démontage en avance,
par exemple, à noël, pour savoir à l’avance comment les boiseries étaient
réellement montées, voire faire un essai. Pas question pour lui d’avoir un seul
hublot du roof transformé, et peut-être non rhabillé de sa boiserie pendant
plusieurs semaines, ou plusieurs mois ! Nous devions, à ses yeux, engager la totalité du chantier
tout d’un coup et nous donner comme contrainte d’avoir tout remonté nickel à
la fin de la séquence de chantier. Parce que les désirs de mon homme sont très
importants à mes yeux, j’au accepté de travailler sur hypothèses. Il faut dire que
nous sommes un peu les champions pour nous lancer des petits défis mutuels.
Donc, jusqu’au premier jour de chantier, il nous est resté des inconnues et des
incertitudes. Et les premières soirées après le démontage ont été pas mal
occupées de petits croquis pour tracer l’empilement futur de plexi, aluminium,
bois, rondelles, joints, têtes de vis, dans diverses configurations, pour
vérifier au millimètre près comment ça pouvait s’agencer et quelle longueur de
vis il fallait trouver pour les vis que nous allions remplacer.
Ce qui est important en matière d’isolation
thermique, c’est l’épaisseur d’air emprisonné entre les deux plaques
transparentes, qu’elles soient en verre ou en plexi. Pareil que les doubles
vitrages de la maison. Il s’agissait donc de rajouter à l’intérieur* du bateau
une épaisseur d’air e t une épaisseur de plexi qui n’y étaient pas auparavant.

Questions, art & science
1 - Quelle est l'épaisseur maximale de la
lame d'air que nous pouvons loger dans l’espace intérieur du roof, sans avoir à
considérablement modifier l’installation ?
2 - Cette épaisseur est-elle suffisante pour
améliorer de manière sensible l'isolation thermique ?
Notre approche pour résoudre cette équation
est un savant mélange d'art et de science : d’un coté le désir esthétique
vigoureusement défendu par Ariel, de l'autre une abaque de résistance thermique
de l'air, je ne déniche sur internet, après exploration de mes souvenirs
d’ingénieur. Il apparaît fort heureusement que les deux sont compatibles,
grosso modo. L'épaisseur optimale de la lame d'air est de 12 ou 13 mm**, et
nous n'aurons au final guère que la moitié de cela, mais cela représente déjà
un gain de résistance thermique tout à fait intéressant. Le sandwich
plexi-air-plexi a une bien meilleure résistance thermique qu'un plexi seul,
même épais. En témoignera vite la différence de condensation aux petits matins
du milieu du chantier, lorsque certains des "doubles vitrages" seront
en place tandis que qu'autres hublots seront encore au stade "simple vitrage".
Humidité
Mais, pour que nos efforts soient utiles à
quelque chose, il faut assurer une exécution parfaite : l'air ainsi emprisonné
doit être sec et l'emprisonnement doit être durablement étanche. Si l'un de ces
deux impératifs n'est pas assuré, alors il se formera à tout bout de champ une
buée entre les deux vitrages. Et de cela, nous ne voulons pas, ni l’un ni
l’autre. Il ne s'agit plus d'esthétique mais de sécurité. Nous apprécions infiniment les veilles
de nuit bien à l'abri, et c'est la visibilité panoramique à travers les hublots
du roof qui permet cela.
L'équation suivante à résoudre est donc :
comment assurer que l'air que nous emprisonnons entre les deux plexis est bien
sec ? Cette fois, ce n'est pas un savant mélange d'art et de science qui nous a
permis de résoudre cette équation, mais un savant mélange de science,
d'observation et d’audace.
Science
J’ai exploré la théorie de l’humidité de l’air et j’ai découvert
des trucs intéressants. Plus l'air enfermé est sec, plus la température à
laquelle il pourra descendre avant de condenser est basse, ça, je m’en doutais
un peu. Les théories sont formelles, ce qui compte c'est l'humidité totale contenue dans
l'air, et non pas l'humidité relative (hygrométrie), ce qui a pour corollaire
que, contrairement à ce que nous pensions, il ne sert donc à rien de chauffer
l'air ambiant car cela ne fait baisser que l'humidité relative. Un tableau de
données trouvé sur Internet me permet de tracer une sorte d’abaque pour
calculer l'humidité totale en partant de l'hygrométrie et de la température.
Contrairement au bon sens populaire, le fait d'être à flot ne change pas grand
chose à notre problème. La masse d'air dans laquelle nous baignons est plus ou
moins humide, selon des facteurs météorologiques qui ne dépendent que très peu
de la proximité à la surface de l'eau. Si Skol était sous hangar dans un
chantier, notre situation serait la même, à moins de mettre ledit hangar sous
atmosphère contrôlée !
Observation
Ariel a pensé à apporter de Strasbourg son hygromètre
à cheveux, que nous avons installé de manière accessible et
esthétique dans l’habitacle. Une observation minutieuse du couple hygrométrie /
température dans le bateau, avec calcul de l'humidité totale à chaque relevé
nous permet de voir comment ces données évoluent dans une même journée. Puis
Ariel découvre un site Internet qui donne chaque jour l'hygrométrie et la
température prévues par tranche horaire dans la journée, à Lorient. Nous
pouvons donc tenter de planifier le travail en visant une tranche horaire particulière
et confirmer ou pas selon les relevés réels. En quelques jours, nous passons
pour des fous digues auprès de notre entourage de marins, à force de glisser
chaque jour des considérations ultra-précises sur l’humidité de l’air dans
toute conversation ordinaire. Avec le sourire malicieux de ceux qui savent que
ce n’est important que le temps du chantier.
Audace
Les joints anti-débordement du silicone
d'étanchéité devaient être réalisés la veille de la pose, en principe (voir
note suivante : les moustaches de Plekszy-Glads). Nous avons parfois pris
des raccourcis par rapport à cette recommandation, posant ce joint-là seulement une ou deux heures avant la pose du plexi-lui-même, prenant ainsi le risque d'écrasement ou de débordement de silicone entre les deux vitrages. L'un des plexis intérieurs a
été posé alors que de gros nuages noirs roulaient sur nous et le grain a éclaté
dans la minute qui a suivi. L'humidité totale était à un record (bas) au moment
même de la pose, mais il s'en est fallu de peu : quelques minutes plus tard
nous aurions été bons pour « détartiner » le silicone et reporter au
lendemain cette pose-là. Comme si ce chantier ne durait pas déjà assez longtemps !
Le journal de bord témoigne des conditions d'humidité de la fermeture de chacun
des doubles vitrages. Ca nous donnera un roof qui va s'embuer à différentes
températures, on peut même imaginer que ça nous fera une sorte de thermomètre
visuel, grâce auquel, en comptant le nombre de hublots embués, on saura quelle
température il fait dehors. Poétique***, non ?
* Curieusement, au cours de nos 6 mois de
cogitations, on n’a jamais imaginé de rajouter l’air et le plexi additionnels à
l’extérieur du bateau. Peut-être aurait-il été intéressant d’explorer cette
idée-la.
** Contrairement au bon sens populaire, au
delà de 13-15mm, la résistance thermique de l'air emprisonné entre deux plaques
de verre ou de plexi ne s'améliore plus, voire se dégrade. C'est lié au fait
que l'air dispose alors d'assez de place pour se mettre en mouvement et
transporter les calories d'une face à l'autre, ce qui est justement ce qu'on
lui demande de ne pas faire dans ce cas-là.
*** Un peu comme les horloges à fleur de Terry Pratchett, qui décrit, dans ses histoires fantastiques des parterres de fleurs composés de variétés botaniques ayant la particularité de s'ouvrir à une heure spécifique de la journée. En regardant les fleurs, on sait l'heure qu'il est. Magic.