Les chiffres que je viens de lire et que je connaissais déjà se fraient pourtant un chemin encore plus profond dans mon cœur, dans mon esprit. Et m'abasourdissent encore une fois. En un siècle, l’effectif français de paysan-es est passé de 80% de la population à 2%. Comment on en est arrivés là ? C’est un processus complexe, contextuel et historique. Est-ce que ça peut continuer comme ça ? Il me semble que non. Et la moitié d'entre eux approche de la retraite.
Pour aller vers ce métier, le parcours est complexe, long, bousculant et sans garantie, car après la formation comportant une multitude de domaines de compétences - et jamais terminée, d'ailleurs -, après la découverte des méandres administratifs, après une recherche de terre multicritères qui ressemble à une équation insoluble, les candidat-es à l’installation doivent la plupart du temps s’endetter lourdement, sans savoir s’iellles vont réussir à générer un revenu correct.
S’il y a un secteur dans lequel le revenu minimal décent devrait être garanti, c’est bien celui-ci.
Devenir paysanne moi-même? M’attacher exclusivement à une terre, engager des processus et des partenariats de long terme pour synchroniser une production végétale sur les besoins d’une ou des école(s), m’insérer dans un réseau de paysan-nes et d’institutions agricoles, associations, syndicats, groupements, coopératives, collectivités territoriales en mon nom propre. Idéalement me co-installer avec une personne qui partagerait mes objectifs et pratiques.
Ou bien, poursuivant sur ma lancée actuelle, devenir accompagnatrice de projets collectifs semi-paysans? Conduire des couverts végétaux pour autrui, partager des savoirs - très récemment acquis - , aider des non-agriculteurices à incorporer des gestes de production de nourriture dans leurs vies quotidiennes, dans leurs rythmes annuels, les aider à faire une transition agricole ou sylvicole. Et ne produire moi-même qu’à toute petite échelle, juste de quoi mettre dans mon assiette et celle de mes proches. Un potager élargi et un jardin-forêt. Idéalement au sein d’un collectif.
Idéalement, une cointallation, elle-même au sein d’un collectif, pour faire à la fois de la production domestique et de l’action pédagogique. A la fois des adultes et des enfants. C’est un centre et un dispositif complet de formation, mon idéal, ou quoi ? Il va falloir nuancer ce rêve grandiose, certainement. Je n’ai plus vingt ans et je n'ai pas encore fait mes preuves....
- Réglons tout de suite la question des potagers familiaux dits d’ « autonomie alimentaire ». A l’échelle du pays, ils ne représente qu’une fraction infime de la consommation totale de nourriture, car ces potagers ne sont pas généralisés dans notre culture, et ils ne fournissent ni le sucre, café, alcool, ni les huiles et condiments, ni les farines, céréales, pâtes, riz, lentilles et pois chiches, ni les produits laitiers, ni la viande, et parfois seulement une partie des œufs. Loin de moi l’idée de décourager ou dévaloriser cette pratique qui revient dans nos mœurs, activée par quelques troubles confinesque, mais ne nous leurrons pas, les ordres de grandeur n’y sont pas.
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